Peshmergas
Photo d'illustration. © SAFIN HAMED / AFP
Lepoint.fr
Les Kurdes de la région autonome du Kurdistan irakien s'entraînent à combattre les insurgés sunnites qui ont précipité l'Irak au bord du chaos.
Depuis le lancement le 9 juin d'une offensive menée par les djihadistes de l'État islamique en Irak et au Levant, les autorités de la région autonome du Kurdistan irakien ont autorisé le déploiement d'un nombre sans précédent de peshmergas, leurs forces de sécurité. Sanglés dans leurs uniformes verts, ils sautent de barre en barre, glissent le long de cordes et grimpent péniblement par-dessus des murs : des dizaines de Kurdes s'entraînent pour aller se battre contre les insurgés sunnites qui ont précipité l'Irak au bord du chaos.
Le président de la région, Massoud Barzani, a même appelé les combattants à la retraite à reprendre du service. Sur une base à quelques kilomètres d'Erbil, la capitale de la région, les recrues ont droit à 45 jours d'entraînement, mélangeant cours de combat - kickboxing, attaque - et maniement d'armes. Quand elles sortiront, elles intégreront les rangs des forces kurdes, réputées excellentes, au moment où leur région doit faire face à un énorme défi militaire, selon Jabbar Yawar, le secrétaire général du ministère kurde en charge des Peshmergas.
"On parle d'affronter des terroristes sur un territoire de 1 500 kilomètres", explique-t-il. "Nous avons de charmants voisins maintenant..." Les nouveaux soldats, dont la solde sera de 600 dollars par mois, devront se battre contre des ennemis dont l'expérience du terrain s'est forgée en Syrie et en Irak, alliés à d'anciens soldats de l'armée de Saddam Hussein, avec plus d'une guerre derrière eux. Alors que les jeunes s'entraînent, des pershmergas à la retraite arrivent sur la base. Ils ne se pressent pas, vêtus pour la plupart des pantalons et chemises kurdes traditionnels, une ceinture entourant des ventres souvent rebondis.
Quelque 200 d'entre eux ont répondu à l'appel du président Barzani ces derniers jours, s'ajoutant aux 300 hommes déjà à l'entraînement. "C'est le plus grand déploiement de peshmergas de l'histoire récente", affirme Yawar. Auparavant, explique-t-il, 13 brigades étaient déployées, avec des soldats irakiens, sur une ligne de 1 500 km longeant les frontières syriennes et iraniennes. Mais face à l'offensive insurgée, les troupes irakiennes ont reculé, abandonnant pour certains uniforme, matériel et positions. "Cela a créé un vide, et nous avons dû envoyer des renforts pour remplir ce vide", raconte Yawar, refusant de donner le nombre exact de renforts, pour des "raisons de sécurité".
Parmi les nouveaux venus, un jeune homme de 24 ans, originaire de Souleimaniyeh. Ses vacances de l'université, où il étudie afin de devenir officier, il les passe sur la ligne de front devant Kirkouk, à quelque 5 kilomètres des insurgés. S'il refuse de donner son nom, il accepte de parler à des journalistes, ce qui est normalement interdit pour les peshmergas de rang inférieur. Mais la tentation de parler anglais était trop forte... "J'ai étudié l'anglais, mais je ne l'avais jamais parlé avec un étranger avant", dit-il, hésitant, avant de sourire de toutes ses dents.
Il est nerveux, et le reconnaît, en jetant des regards à la fumée qui témoigne d'un récent échange d'obus de mortiers de l'autre côté de la ligne de front. "J'essaie de ne pas avoir peur, mais parfois... Puis ce n'est pas bien de ne pas avoir peur du tout", explique-t-il. Un peu plus loin, un autre combattant fait l'inventaire. "Nous avons des chars, des mortiers, et de bons fusils", dit-il en désignant les équipements étalés le long de tranchées et de sacs de sable.
Mais de l'autre côté, les insurgés ont de quoi rivaliser, notamment grâce aux armes dont ils se sont emparés au retrait des troupes irakiennes. Le vide laissé par l'armée a permis aux peshmergas de prendre le contrôle de Kirkouk, une ville longuement revendiquée par les Kurdes, ce que Bagdad refusait catégoriquement. Les autorités kurdes ont dit qu'elles n'ont aucunement l'intention de la rendre un jour. La dispute entre Bagdad et Erbil, "maintenant, c'est fini", a ainsi déclaré Massoud Barzani.
Outre Kirkouk, les peshmergas se sont déployés sur des territoires qui ne faisaient pas partie de la région. Mais, désormais, affirme Yawar, il n'est pas question de bouger cette ligne, ni pour retourner sur les anciennes frontières ni pour prendre de nouveaux territoires aux insurgés. "Notre stratégie pour l'instant, c'est juste de défendre cette ligne pour empêcher tout terroriste d'entrer dans la région."