Jîna Emînî (Mahsa Amini)
Kurde de Saqqez (Kurdistan iranien)
Le Monde avec AP et AFP
La mort de Mahsa Amini survient alors que la controverse enfle sur la conduite de la police des mœurs, qui patrouille dans les lieux publics pour vérifier l’application de la loi sur le foulard et d’autres règles islamiques.
Elle s’appelait Mahsa Amini. Cette Iranienne de 22 ans est morte, vendredi, trois jours après son arrestation par la police des mœurs à Téhéran. Ses funérailles, samedi 17 septembre, dans sa ville natale de Saqqez, dans la province du Kurdistan, ont donné lieu à une manifestation que les forces de sécurité iraniennes ont dispersée à coups de gaz lacrymogènes. La veille un rassemblement avait eu lieu à proximité de l’hôpital Kasra de Téhéran, où elle est morte.
Protestors chant “death to the dictator” at politically charged funeral of Mahsa Amini, the 22-year-old woman who was abducted by Iran regime enforcers for allegedly improper dress, mysteriously fell into a coma while in custody and died on Friday pic.twitter.com/lVTzNwbCGD
— Borzou Daragahi (@borzou) September 17, 2022
Mahsa Amini a été arrêtée mardi par l’unité de police chargée de faire respecter le code vestimentaire strict de la République islamique pour les femmes, dont le port obligatoire du foulard en public. La télévision d’Etat a annoncé vendredi sa mort après trois jours dans le coma.
Deux heures entre l’arrestation et le transfert à l’hôpital
Son frère a déclaré au site Internet IranWire qu’alors qu’il attendait sa sœur à l’extérieur du commissariat, il a vu une ambulance en sortir et l’emmener à l’hôpital. Il dit avoir été informé qu’elle avait fait une attaque cardiaque et cérébrale et qu’elle était dans le coma. « Il ne s’est déroulé que deux heures entre son arrestation et son transfert à l’hôpital, a-t-il déclaré, annonçant son intention de porter plainte. Je n’ai rien à perdre. Je ne laisserai pas les choses ainsi sans protester. »
Après ses funérailles, des personnes « ont scandé des slogans en exigeant des enquêtes détaillées sur cette affaire », rapporte l’agence de presse iranienne Fars. Les « manifestants se sont ensuite rassemblés devant le bureau du gouverneur » en scandant « d’autres slogans » avant d’être « dispersés par les forces de sécurité, qui ont tiré des gaz lacrymogènes ».
La télévision d’Etat a diffusé vendredi des extraits d’une vidéo montrant une salle, visiblement dans un commissariat, où l’on peut voir de nombreuses femmes. L’une d’elles, présentée comme Mahsa Amini, se lève pour discuter avec une « instructrice » au sujet de sa tenue vestimentaire, puis elle s’effondre. Dans un autre extrait, le service d’urgence transporte le corps de la femme vers une ambulance. La police de Téhéran a confirmé vendredi le décès, affirmant « qu’il n’y avait pas eu de contact physique » entre les agents de police et la jeune femme.
Les abus de la police des mœurs
La présidence iranienne avait annoncé, de son côté, que le président Ebrahim Raïssi avait chargé le ministre de l’intérieur d’enquêter sur cette affaire. Le chef du bureau du médecin légiste de Téhéran a déclaré samedi à la télévision d’Etat que des enquêtes sur la cause du décès de la jeune femme étaient en cours mais qu’elles prendraient trois semaines.
Le cinéaste iranien Asghar Farhadi a réagi sur son compte Instagram et qualifié la mort d’Amini en détention de « crime ». La mort de Mahsa Amini survient alors que la controverse enfle sur la conduite la police des mœurs, qui patrouille dans les lieux publics pour vérifier l’application de la loi sur le foulard et d’autres règles islamiques.
Depuis la révolution islamique de 1979, la loi impose à toutes les femmes le port d’un voile recouvrant la tête et le cou tout en dissimulant les cheveux. Cependant, ces deux dernières décennies, de plus en plus de femmes à Téhéran et dans d’autres grandes villes laissent des mèches de cheveux, voire plus, dépasser de leur voile.