Les agissements menés récemment contre des intérêts turcs en Suisse sont bien le fait de l'organisation séparatiste kurde. Le Conseil fédéral a décrété mercredi une série de mesures contre le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) et ses organisations apparentées en Suisse.
Le gouvernement réagit ainsi à la série d'actions violentes qui ont visé des intérêts turcs dans plusieurs cantons alémaniques ces quinze derniers jours. Des actes analogues à ceux qui se sont produits dans d'autres pays européens, notamment en Allemagne, et que le Conseil fédéral condamne «avec la plus grande fermeté», a-t-il indiqué dans un communiqué.
Ces attaques, commises le plus souvent au moyen de cocktails Molotov et qui ont fait un blessé grave à Bâle, parmi les clients du café «Istanbul», peuvent désormais être attribuées avec certitude au PKK et son organisation de jeunesse, relève Jürg Bühler, chef suppléant du Service d'analyse et de prévention, le renseignement intérieur suisse. Les autorités ont authentifié des messages de revendication adressés à des destinataires en Suisse et à l'étranger. Des enquêtes judiciaires sont en cours dans les cantons concernés.
Le gouvernement a interdit les collectes de fonds lors des deux grandes fêtes kurdes du mois de novembre - le 30e anniversaire de la création du PKK et les 5 ans du Kongra-Gel, le nom qu'a pris temporairement l'organisation. Les collectes ne seront autorisées que si la destination humanitaire des fonds «ne fait aucun doute». L'argent ne pourra être versé qu'à des fondations soumises à la surveillance des autorités fédérales et dont le but humanitaire est l'unique objectif. Les services de police de la Confédération et des cantons seront chargés de s'assurer du respect de cette interdiction, en contrôlant notamment les salles où doivent se dérouler ces événements.
Par ailleurs, le Conseil fédéral a donné la consigne aux autorités compétentes de se montrer plus vigilantes lors de l'octroi de permis de séjour ou de la naturalisation à des personnes liées aux organisations en question. A l'inverse, le «potentiel de violence manifeste des groupes concernés» devra aussi être davantage pris en compte lorsque les autorités seront appelées à se prononcer sur le renvoi des personnes visées.
La situation nouvelle, née des actions violentes de ces deux dernières semaines, doit également conduire les autorités à ne donner leur accord que de manière restrictive à la tenue d'éventuelles manifestations. Le renseignement sur les activités du PKK en Suisse devra aussi être intensifié.
Le Conseil fédéral se réserve en outre la possibilité d'adopter une ordonnance permettant de séquestrer des avoirs destinés à financer des activités relevant de l'extrémisme violent.
Dans l'édition de dimanche dernier du SonntagsBlick, l'ambassadeur de Turquie en Suisse, Alev Kiliç, avait déploré l'inaction de la Confédération, regrettant que Berne, contrairement à l'UE, persiste à refuser de considérer le PKK comme une organisation terroriste. «Dans notre système, l'interdiction d'une organisation est l'ultima ratio. Les mesures prises jusqu'ici ont permis de contrôler la situation», souligne Jürg Bühler, qui rappelle que jusqu'aux actes de violence de ces deux dernières semaines, «la situation était très calme».