François Hollande et Jean-Pierre Raffarin.
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Lefigaro.fr
FIGAROVOX/TRIBUNE - Si la chute du gouvernement de Bachar el-Assad fait naître des espoirs légitimes pour la Syrie, il y a des raisons de s’inquiéter quant à l’avenir des Kurdes, qui sont des opposants historiques à l’Etat islamique, alertent le député socialiste et l’ancien premier ministre.
Forts de notre expérience, nous savons que le défaut de politique de prévention est le principal échec des politiques de maintien de la paix, partout dans le monde. Il y a aujourd’hui un théâtre où un effort de prévention peut nous permettre d’éviter une nouvelle vague de drames. Il s’agit de la Syrie.
En effet la chute du régime de la famille Assad lève un immense espoir mais aussi des mécanismes dont les effets peuvent être tragiques. L’espoir jaillit de la chute d’un système dictatorial dont les exemples de cruauté s’affichent jour après jour, au fur et à mesure que l’on découvre les cicatrices des souffrances d’un peuple qui compte au total plus de 500.000 morts.
Face à ces douleurs, on comprend naturellement les explosions de la joie populaire, cette ferveur pour la liberté retrouvée peut expliquer aussi les discours aux allures modérées des nouveaux dirigeants. Or, le passé des dirigeants du HTC peut nous inquiéter. Des départements ministériels, essentiels pour l’avenir de la Syrie, sont dans des mains qui pourraient ne se tendre que de façon bien sélective.
Les Kurdes assument le rôle de gardien des individus et des familles qui ont servi l’État Islamique. Leur fuite nous exposerait, ici, en Europe.
François Hollande et Jean-Pierre Raffarin
Notre inquiétude concerne principalement deux populations. Les Kurdes ont été nos alliés, loyaux, déterminants jusqu’au sacrifice dans notre guerre contre l’état islamique ce qui leur a coûté plus de 12.000 morts et 30.000 blessés. En charge de l’administration du Nord-Est Syrien ils sont quotidiennement agressés par les Turcs ou leurs obligés et sont en droit de craindre une offensive contre leur territoire de la part de ce partenaire puissant du nouveau régime. Les minorités religieuses sont aujourd’hui plus optimistes quant à leur acceptabilité par le nouveau pouvoir. Tant mieux, mais restons lucides, ces communautés, notamment les chrétiens mais aussi les alaouites, pourraient se voir imposer un statut particulièrement sévère qui les conduirait à la fuite.
Malgré ces menaces, l’Occident semble vouloir accorder une présomption positive au nouveau pouvoir syrien. Pourquoi pas? Mais à certaines conditions, d’où la nécessité de construire une politique de prévention.
Dans cette perspective nous proposons que la France prenne plusieurs initiatives. Renforcer la présence française actuellement modeste au Nord-Est de la Syrie pour dissuader la Turquie d’une incursion militaire. Envoyer une aide humanitaire d’urgence en zone kurde pour les déplacés. Proposer une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU créant une mission d’observation des frontières entre le Nord-Est syrien et la Turquie pour mettre fin aux agressions quotidiennes. Soutenir financièrement et matériellement les efforts des Kurdes qui assument le rôle de gardien des individus et des familles qui ont servi l’État Islamique. Leur fuite nous exposerait, ici, en Europe.
Ces démarches permettraient à la France de marquer sa solidarité à l’égard d’alliés historiques et de prévenir des conflits ultérieurs, qui sont pour le moment encore évitables.