Hoshyar Zebari, ministre des Affaires étrangères irakien, actuellement en visite en France:

«Ou les rebelles dirigent l'Irak, ou ils le brûlent»

InfoPar Jean-Pierre PERRIN - mercredi 30 novembre 2005

a deux semaines des législatives qui vont déterminer la formation d'un nouveau gouvernement à Bagdad, le ministre irakien des Affaires étrangères, Hoshyar Zebari, termine aujourd'hui une visite de trois jours en France à l'invitation de son homologue français. Une visite qui témoigne de la volonté de Paris d'exprimer son «appui au processus politique et aux efforts de reconstruction» en cours en Irak. Interview.

 

Une rencontre s'est tenue en novembre au Caire sous l'égide de la Ligue arabe pour préparer une conférence de réconciliation en Irak. Est-ce que cela traduit le retour de Bagdad dans le giron arabe ?

Cette réunion préparatoire résulte d'une initiative commune à l'Irak et à la Ligue arabe. Quelque 60 leaders irakiens s'y sont rendus, dont des membres du Parlement, du gouvernement et des responsables irakiens de l'extérieur, parmi lesquels beaucoup de sunnites. Le but était d'initier un dialogue (entre les autorités et la rébellion) sous le parapluie de la Ligue arabe. On le voit, les pays arabes ont commencé à renouer avec l'Irak. On peut même parler d'un tournant de leur part après deux ans d'indifférence. Ils nous négligeaient complètement. A travers cette invitation du Caire, ils reviennent. C'est devenu nécessaire pour eux, maintenant qu'ils voient que nous nous renforçons, que nous sommes dans une situation beaucoup plus stable, que nous ne sommes pas tous revenus sur les tanks de l'US Army et pour répondre aussi au développement de l'influence iranienne.

Leur avez-vous reproché ouvertement cette «indifférence» ?

En tête à tête, je leur ai dit : vous n'étiez pas là (quand on avait besoin de vous, ndlr), où étiez-vous ? Je le leur ai dit brutalement. A présent, ils ont senti qu'il fallait prendre une initiative et l'ont fait via la Ligue arabe. Et c'est une formidable réponse. De notre côté, nous les avons rassurés, montrés que nous ne voulions pas la bipolarisation de l'Irak, ne soutenions pas une communauté plus qu'une autre, et réitéré notre engagement à maintenir l'unité de l'Irak. Cela a été très utile.

Quelles sont les principales raisons de ce revirement arabe ?

Ils ont peur de l'extension de la terreur, que l'Irak devienne le havre d'une coalition de terroristes qui s'en prendra ensuite à l'Arabie Saoudite, aux pays du Golfe...

L'ancien Premier ministre Iyad Allaoui a estimé que les droits de l'homme sont autant bafoués aujourd'hui que sous Saddam...

C'est une déclaration malheureuse, fausse et irréaliste, faite pour des raisons électorales (il est candidat aux législatives, ndlr), pour attaquer le gouvernement. C'est un mauvais message qu'il adresse à notre peuple et à nos amis. Or, il n'y a pas de comparaison possible : pas de fosses communes, de gazage de population, de milliers de personnes ensevelies dans le désert par des bulldozers comme sous Saddam.

Mais le ministère de l'Intérieur est responsable de graves exactions...

Je ne vais pas défendre le ministère de l'Intérieur, mais nous sommes en conflit. Les terroristes nous tuent chaque jour. Nous défendre est une question de vie ou de mort.

On ne voit pas les attentats diminuer d'intensité...

Quinze provinces sur dix-huit connaissent la sécurité. Actuellement, il y a un processus de transfert de pouvoir de la force multinationale aux forces de sécurité irakiennes. La terreur ne s'arrêtera pas, toutefois nous avons la perspective d'une meilleure sécurité. Alors que le programme des rebelles est simple : ou ils dirigent l'Irak ou ils le brûlent.

Paris a proposé de former des membres des forces de l'ordre irakiennes. Pourquoi ce projet ne s'est-il pas concrétisé ?

Nous avons d'excellentes relations avec Paris, aucun doute à ce sujet. Ce qui a pu nous séparer, c'est du passé. Quand cette offre nous a été faite par le président Chirac, nous l'avons jugée très bonne, et l'avons bien accueillie. Nous avons ensuite envoyé un ministre pour en discuter, choisir le pays (de la formation, ndlr). Plus deux notes diplomatiques. Ce n'est donc pas à cause de nous car nous sommes toujours très intéressés et souhaitons que ce projet se réalise le plus tôt possible.

Et la dette irakienne que Paris a promis d'effacer ?

Tout a été finalisé lundi. Très bientôt, nous signerons l'accord officiel qui annule 80 % de cette dette, ce qui représente 4 milliards de dollars.

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