Hygiaphone sans pitié à Marseille


Jeudi 25 octobre 2007 | Correspondant à Marseille MICHEL HENRY

Y aller, ou pas ? C’est toute la question. Hier, Sedat Tastan, un Kurde en situation irrégulière de 19 ans, de nationalité turque, a pris un risque. Il a franchi la porte du service des étrangers à la préfecture des Bouches-du-Rhône, à Marseille, pour déposer un élément nouveau en vue de sa régularisation : il s’est pacsé avec sa petite amie française.

Mauvaise idée : le fonctionnaire en faction a constaté qu’il fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière, depuis mars. Des policiers sont venus l’arrêter. Sa compagne et trois militants de RESF (Réseau éducation sans frontières) qui l’accompagnaient ont également été interpellés pour trouble à l’ordre public, placés en garde à vue, puis relâchés dans la soirée.

Problème : la préfecture a déjà tenté trois fois d’expulser Sedat Tastan, fils d’un militant du PKK, arrivé en France en 2002, à 15 ans. En vain : il a opposé trois refus d’embarquer. Pour le dernier, à l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle, il est passé en jugement devant le TGI de Bobigny, le 19 mars 2006. Le tribunal a ajourné sa décision «de manière à ce qu’il puisse régulariser sa situation», selon son avocate parisienne, Me Irène Terrel. Sedat Tastan doit se représenter devant le TGI en mars prochain. «S’il ne se rend pas en préfecture, il ne sera jamais régularisé. Et quand on se représentera devant le TGI, on lui dira : “Qu’est-ce que vous avez fait pour être régularisé ?” explique Me Irène Terrel. C’est la quadrature du cercle.»

D’où le risque qu’il a pris hier. Inévitable : «La loi Sarkozy impose la présence physique de l’étranger, explique Me François-Xavier Vincensini, son avocat marseillais. C’est la roulette russe. Ça dépend de la personne derrière l’hygiaphone, à la préfecture. Moi, je ne conseille plus à mes clients d’y aller. C’est trop dangereux.»

Hier, des militants de RESF se sont positionnés devant le centre de rétention du Canet, à Marseille, histoire d’empêcher l’expulsion. Côté préfecture, on précise qu’il est venu de son plein gré : «Il n’était pas convoqué.» Et comme son arrêté de reconduite est toujours valable, l’Etat veut le faire exécuter : «Il est arrivé au bout des procédures», explique-t-on. Il a été définitivement débouté de sa demande d’asile politique en 2004. Et son pacs serait trop récent – début octobre – pour justifier d’une communauté de vie permettant la régularisation. Implacable logique administrative, à laquelle les militants de RESF répondent : «Qu’on arrête l’acharnement et qu’on le régularise !» Comme une partie de sa famille, installée à Marseille.