L'artillerie et l'aviation irakiennes ont commencé par bombarder ce gros bourg agricole de plus de 40.000 habitants. Les combattants et la plupart des hommes se sont repliés dans les collines alentour, laissant vieux, femmes et enfants dans la ville, quand, dans l'après-midi et la soirée du 16 mars, l'aviation a lancé des bombes chimiques.
Les forces irakiennes étaient sous le commandement d'Ali Hassan Al-Majid, le cousin du dictateur Saddam Hussein, surnommé depuis par les Kurdes "Ali le Chimique". Arrêté par les forces de la coalition le 21 août 2003, il fait partie des onze ex-responsables du régime déchu jugés par le Tribunal spécial irakien et passibles de la peine de mort.
Il y eu environ 5.000 tués, pour 75% des femmes et des enfants, et quelque 7.000 blessés, selon le bilan des autorités kurdes. Selon les experts, ce fut la plus grande attaque aux gaz de combat contre des civils.
Le massacre fut rapidement connu car les combattants descendus des collines qui donnèrent l'alerte et des journalistes étrangers se rendirent rapidement sur place, filmant et photographiant des dizaines de Kurdes étendus sans vie devant les maisons, tombés en essayant de fuir, souvent avec les voies respiratoires ensanglantées.
Les experts estiment que l'aviation a largué une gamme d'agents chimiques comprenant du gaz moutarde, du gaz lacrymogène et de l'agent VX qui agit sur les nerfs. L'Irak était alors fourni en armes par les pays occidentaux, notamment les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne.
Encore aujourd'hui, des personnes touchées meurent de cancers et de leucémies, souffrent d'asthme ou de stérilité, et des femmes font des fausses couches. Le gaz moutarde affecte les gènes et les effets se feront encore sentir dans plusieurs générations, selon des médecins.
En 1998, le département d'Etat américain, à l'occasion du 10ème anniversaire de l'attaque contre Halabja, avait affirmé que ce massacre "n'était pas la seule fois où le régime de Bagdad a utilisé des armes chimiques. On estime à 20.000 le nombre de soldats iraniens tués dans ce genre d'attaques entre 1983 et 1988, pendant la guerre".
Dans un témoignage devant le Sénat américain, Christine Gosden, une spécialiste de médecine génétique de Liverpool (Angleterre), qui a visité Halabja en 1998, a relevé un nombre trois à cinq fois supérieur à la moyenne de leucémies et autres cancers, ainsi que de nombreuses malformations parmi les nouveaux-nés.
"Les mutations génétiques et les cancers parmi cette population sont comparables à ceux apparus parmi les victimes des bombes atomiques d'Hiroshima et Nagasaki qui se trouvaient de un à deux km du point zéro", selon elle.