Madame Nuxsha NASIH, maire de Halabja,
rendant hommage aux victimes (16 mars 2023)
Il y a 35 ans environ 5.000 civils kurdes ont été tués et plus de 10.000 blessés avec des gaz chimiques largués par 8 bombardiers MiG-23 de l’aviation irakienne dans la ville kurde de Halabja.
Les images de ce massacre chimique ont bouleversé l’opinion publique internationale, mais ni les pays occidentaux, ni l’URSS et ses alliés communistes, ni les Etats membres de la Ligue arabe n’ont condamné cette barbarie perpétrée par la régime génocidaire de Saddam Hussein qui était leur allié, et un client important de leurs industries d’armement. La mission d’enquête internationale dépêchée sur place par l’ONU, tout en constatant l’ampleur du massacre, s’est abstenue, à la demande notamment de Washington, de désigner les coupables afin de ne pas servir « la propagande iranienne » (Voir le livre d’enquête de Joost R. HILTERMANN, A Poisonous Affair: America, Iraq, and the Gassing of Halabja publié par Cambridge University Press en 2007).
Le gazage de Halabja faisait partie de la vaste campagne génocidaire d’Anfal menée en 1987-1988 par Bagdad pour « régler définitivement la question kurde », en razant 4.500 des 5.000 villages et une trentaine de bourgades kurdes et en détruisant l’économie agro-pastorale du Kurdistan. Elle a fait 182.000 morts identifiés et enterrés pour la plupart dans des fosses communes dans les déserts du sud irakien après leur exécution sommaire.
Les auteurs de cette campagne génocidaire ont été, eux aussi, identifiés ainsi que leur chaine de commandement grâce à des archives irakienes capturées par la résistance kurde et par les Américains après la chute de la dictature de Saddam Hussein en avril 2003.
L’architecte de cette campagne, un cousin du dictateur, Ali Hassan Majid, dit Alî le chimique a été jugé et exécuté. Mais le procès bâclé de Saddam Hussein en 2006 et son exécution hâtive décidée par les dirigeants chiites de Bagdad n’ont pas permis d’avoir un procès véritable sur Anfal et Halabja. Un déni de justice pour les victimes, qui attendent toujours que la justice leur soit rendue, que tous les coupables soient jugés et punis. Y compris les entreprises occidentales et russes qui ont fourni au régime de quoi fabriquer et lâcher ces armes sur les populations civiles (voir le dossier d’Amnesty).
Une class action contre ces entreprises est en cours mais elle n’a toujours pas abouti ; Les Kurdes demandent aussi que ce crime de masse soit internationalement reconnu comme un génocide.
Le parlement irakien a bien reconnu ce génocide mais, comme vient de le rappeler, en ce jour d'anniversaire, le Président du Kurdistan, Nechirvan BARZANÎ, le gouvernement irakien n'a encore prévu aucune réparation ni versé aucune indemnisation aux rescapés.
En attendant, les survivants de ce génocide, reconstruisent leur ville et leur vie. Halabja est désormais gérée par une jeune maire, symbole du renouveau démocratique et d’espoir.
Pour le compte-rendu du gazage de Halabja et les réactions internationales de l’époque voir le numéro spécial du Bulletin de l’Institut (Halabja, mars 1988).