IL Y A 92 ANS LE MASSACRE DE LA VALLÉE DE ZILAN

mis à jour le Mercredi 13 juillet 2022 à 18h37

Il y a 92 ans, les 12 et 13 juillet 1930 plus de 15.000 civils kurdes ont été massacrés par l’armée et l’aviation turques dans la Vallée de Zilan, dans le district d’Ercis de la province de Van.

Le quotidien turc Cumhuriyet (République) organe officieux du régime kémaliste turc qui donne ce chiffre effroyable sous le titre « les rebelles ont été anéantis en 5 jours » précise « la vallée de Zilan est remplie à ras le bord de cadavres ».

Les victimes étaient des paysans locaux et des civils, femmes, enfants, vieillards, qui avaient fui la zone de guerre située autour du Mont Ararat, pour se réfugier dans cette vallée. Les troupes turques commandées par le général Salih Omurtak l’encerclent de toutes parts. Le massacre commence par d’intenses bombardements aériens des 44 villages de la vallée et des grottes où se sont réfugiés les civils. Les canons et les mitrailleuses interviennent ensuite pour poursuivre la besogne. Les survivants sont attachés les uns aux autres par des cordes et fusillés par des escadrons de tireur, ou achevés à coup de baïonnettes.

Le régime turc, dans ses media, se vante de cet « exploit », lui donne un large écho afin de terroriser la population kurde.

Une loi adoptée le 5 mai 1932, dite loi de « relocation obligatoire » (mecburi iskan kanunu) interdit l’accès à cette région dévastée pour une durée de 20 ans. Les populations des districts avoisinants sont déportées vers l’Anatolie, leurs biens et terres confisqués par l’État turc.

Après le coup d’état militaire de septembre 1980, le chef de la junte militaire, le général Evren a décidé d’installer dans cette vallée des réfugiés Kirghizes d’Afghanistan supposés être de souche turque, donc plus fiables que les Kurdes.

L’État turc n’a jamais exprimé des regrets, encore moins des excuses pour ce massacre horrible de civils. Le victimes, 15.000 selon les chiffres officiels, 25.000 selon les sources kurdes n’ont jamais été réhabilitées car les remords ou les regrets ne font pas partie de la culture politique turque. Arméniens, Assyro-Chaldéens, Grecs sont bien placés pour témoigner de ce déni de justice.

Le prétexte invoqué par le régime d’Ataturk était la répression de la résistance kurde du Mont Ararat. Lors de la guerre d’indépendance de la Turquie, le leader turc Mustafa Kemal avait promis aux Kurdes un État commun des Turcs et des Kurdes où le Kurdistan bénéficierait d’une large autonomie. »

Gage de cette promesse, la première Assemblée nationale de la Turquie, comptait 75 « députés du Kurdistan ». Une fois l’indépendance du pays obtenue par le traité de Lausanne de Juillet 1923, le régime turc dissout cette Assemblée et par un décret du 3 mars 1924 interdit l’usage de la langue kurde, les écoles kurdes, les mots « kurde » et « Kurdistan ». La Turquie nouvelle n’appartient qu’aux seuls Turcs, « les seuls maîtres du pays, tous les autres n’ont plus qu’un seul droit, celui d’être des serviteurs » pour reprendre la formule choc du ministre de la Justice de l’époque, Mahmut Bozkurt.

Cette volte-face turque a été vécue comme une trahison par les chefs traditionnels kurdes qui avaient choisi d’être solidaires avec les Turcs dans cette période noire de leur histoire. Cette trahison a alimenté une série des révoltes kurdes, dont celle conduite de 1927 à 1930 par le général kurde Ihsan Noury Pacha dans la région entourant le Mont Ararat (en kurde Çiyayê Agirî, le Mont du Feu, le Volcan). La résistance kurde a été réprimée grâce à la coopération de l’Iran de Reza Chah et au soutien plus discret de l’URSS de Staline qui pour complaire aux Turcs venait de mettre un terme au « Kurdistan rouge » autonome, créé par Lénine dont la capitale était Latchine, dans le désormais fameux « corridor » portant son nom reliant le Haut Karabagh à l’Arménie.