Inquiétudes diplomatiques, escarmouches sur le terrain


26 octobre 2007

Les dirigeants turcs étudient une riposte économique contre le Kurdistan et l’inquiétude internationale demeure au sujet d’une éventuelle intervention turque en Irak. Condoleezza Rice annonce sa venue à Ankara début novembre.

 

L’aviation turque a pilonné mercredi des positions des rebelles kurdes près de la frontière irakienne, alors que la menace d'une incursion militaire contre les bases rebelles dans le nord de l'Irak restait entière.

Des chasseurs et des hélicoptères des forces turques ont détruit plusieurs caches du PKK dans le sud-est de la Turquie, près de la frontière irakienne, selon l'agence de presse Anatolie.

Par ailleurs, selon l’agence de presse Reuters, l’armée de l’air turque a attaqué un village kurde situé au Kurdistan irakien, faisant des dégâts matériels mais pas de victimes. L’information a été donnée par un responsable kurde irakien chargé de la sécurité.

De leur côté, les services de sécurité turcs ont indiqué, toujours à l’agence Reuters, que l’aviation turque a effectué, ces trois derniers jours, des incursions dans l’espace aérien irakien. 300 soldats auraient également pénétré à une dizaine de kilomètres à l’intérieur du territoire irakien.

Au cours d'une réunion du Conseil national de sécurité (MKG), les principaux responsables civils et militaires de Turquie ont étudié la riposte à donner aux attaques des rebelles du PKK. Cette réunion s’est tenue à la veille d’entretiens, jeudi à Ankara, avec une délégation irakienne. Le MKG a recommandé au gouvernement de prendre des sanctions économiques contre les factions kurdes d'Irak qui soutiennent le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). L'organisation séparatiste, on le sait, lance des attaques en Turquie depuis des bases arrière en territoire irakien.

 

Turquie/Irak : opération militaire inéluctable
Par notre correspondant à Istanbul, Jérôme Bastion


«Mystères et suspense sur les intentions de la Turquie en Irak même si tout le monde considère désormais qu’une opération militaire transfrontalière est inéluctable.»
 

Les sanctions économiques suggérées par le Conseil national de sécurité viseront « les groupes kurdes qui soutiennent directement ou indirectement l'organisation séparatiste », indique un communiqué. La Turquie fournit de l'électricité au Kurdistan irakien et le volume du commerce frontalier s'élève à plusieurs centaines de millions de dollars par an.

La visite mardi à Bagdad du chef de la diplomatie turque Ali Babacan a entraîné plusieurs mesures de la part de l'administration irakienne. Elle a interdit les activités du PKK en Irak et décidé de fermer ses bureaux. On rappelle toutefois à Ankara que dans le passé, les bureaux du PKK dans la zone kurde d'Irak avaient été fermés puis rouverts peu après.

Soli Ozel

Spécialiste des Relations internationales à l'Université Bilgi d'Istanbul «Il y a des relations économiques bien élevées entre la Turquie et le Kurdistan irakien donc le gouvernement régional, à mon avis, souffrira s’il y a un boycott, un embargo, ou bien si on cesse de s’engager économiquement.»

Selon une source gouvernementale turque, le président irakien Jalal Talabani aurait indiqué au chef de la diplomatie turque que des rebelles du PKK, réclamés par la Turquie, pourraient lui être livrés. Mais M. Talabani a démenti peu après avoir proposé d'extrader des responsables du PKK. « Il est impossible de les appréhender et de les livrer à la Turquie », a déclaré le président irakien dans un communiqué.

Le gouvernement turc menace toujours de lancer des opérations militaires contre les bases des rebelles. Même si Ankara annonce vouloir toujours privilégier la diplomatie, à l'heure actuelle, l'option militaire est toujours sur la table.

La présidence du Kurdistan d'Irak, accusée par Ankara de soutenir les rebelles, a appelé mercredi le PKK, qui se bat depuis 1984 contre le pouvoir central turc, à mettre fin à la lutte armée. Il s'agit, depuis le début de la crise, de l'engagement le plus manifeste de la part du gouvernement régional autonome kurde qui contrôle la zone où sont installées les bases du PKK. Mais Ankara ne reconnaît comme interlocuteur que le gouvernement de Bagdad et l'engagement de la présidence du Kurdistan d’Irak risque d'avoir peu d'effet sur les Turcs.

La question des huit soldats turcs que le PKK affirme avoir capturés, et qu'Ankara a portés disparus, place le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan sous la pression conjuguée de l'opinion publique et de l'opposition qui crient vengeance.

Les Etats-Unis, qui craignent qu'une incursion turque ne déséquilibre une des seules régions relativement calmes d'Irak, ont appelé Turcs et Irakiens à faire preuve de retenue. Le porte-parole du département d’Etat a annoncé que Condoleezza Rice va se rendre à Ankara début novembre. Cette étape n’était pas prévue dans la tournée régionale de la secrétaire d’Etat américaine.

Au cours d'une réunion informelle des ministres de la Défense de l'Otan, aux Pays-Bas, le secrétaire général de l'Alliance, Jaap de Hoop Scheffer, a estimé que la Turquie avait jusqu'à présent montré une « remarquable retenue au vu des circonstances ».

La Turquie, membre de l’Otan, a déployé le long de la frontière avec l’Irak environ 100 000 hommes appuyés par des chars, des chasseurs F-16 et des hélicoptères de combat en prévision d’une éventuelle frappe de grande ampleur.

Réunis à Strasbourg, les députés européens se sont penchés sur le processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Ces parlementaires ont désapprouvé toute intervention militaire turque en Irak

Véronique de Keyser

Députée socialiste belge, coordinatrice des socialistes à la Commission des Affaires étrangères du Parlement européen «Il ne faut pas qu’il y ait cette intervention, ça déstabiliserait encore plus la région.»