Massoud Barzani à Paris, le 8 septembre 2016 - Mathieu Zazzo pour "Le Monde"
« Je veux m’engager, avec tout le temps dont je disposerai, dans le processus d’indépendance »
Le président du gouvernement régional dit négocier avec Bagdad la gestion de Mossoul après la bataille contre l’organisation Etat islamique.
La bataille progresse bien. Quand la rive droite sera libérée, ce sera un succès contre Daech [acronyme arabe de l’EI] mais ce ne sera pas la fin de l'idée du terrorisme. Au niveau politique, nous négocions avec Bagdad pour créer un haut comité pour la gestion de la ville qui soit représentatif. Il y avait avant l’arrivée de Daech 300000 Kurdes dans Mossoul, et les Kurdes sont en majorité dans la province de Ni-nive. Nous avons un accord de principe pour l’après-Mossoul et on est déjà bien représentés dans les instances de la province.
Au niveau militaire, la coopération est bonne et surtout entre le premier ministre Haïder Al-Abadi et moi-même. Cette coopération va continuer car elle est nécessaire pour tout le monde. En revanche, sur tous les autres dossiers de contentieux avec Bagdad, comme le pétrole notamment, il n’y a aucune avancée.
Il y a un accord sur les territoires que nous avons libérés avant le 17 octobre 2016 [avant le lancement de la bataille de Mossoul], Nous resterons dans ces zones. Dans les autres zones comme Ka-rakoch ou Bachika, il revient au peuple de décider. Si le peuple appelle à un référendum pour rejoindre le Kurdistan irakien, nous accueillerons cette demande avec plaisir.
Le premier ministre turc est allé à Bagdad et il y a eu un accord de principe pour résoudre cette question après la bataille. La présence de ces forces est provisoire. Elles doivent se retirer, la question est quand.
La clé du problème du PKK est en Turquie et non pas au Kurdistan irakien. Il faut trouver une solution politique au sein de ce pays au travers des négociations. Si les autorités turques nous le demandent, nous sommes prêts à aider à la reprise du processus de paix qui a été interrompu depuis bientôt deux ans. Mais cette demande doit venir d’Ankara. Quant aux milices chiites que vous évoquez, il y a une grande partie d’entre elles qui sont disciplinées, bien structurées et avec lesquelles nous n’avons aucun problème. Et il y a les autres qui créent des problèmes. Mais nous avons le même avenir dans cette région et nous devons donc trouver ensemble une solution.
Nous avons de bonnes relations avec tous nos voisins, y compris l’Iran, mais nous ne voulons pas que les Iraniens décident à la place des Irakiens ou des Kurdes. Nous sommes opposés à cette influence iranienne croissante et au fait qu’elle puisse s’exercer au travers de tel ou tel parti. Les relations avec Téhéran sont bilatérales, avec le gouvernement régional du Kurdistan. Et nous n’acceptons pas que l’Iran interfère dans nos affaires intérieures.
Il y aura des élections au mois de septembre, présidentielle et législatives. Après les élections parlementaires de 2014, il y avait eu un accord entre les partis pour une coalition, mais une partie d’entre eux ont créé des problèmes en poussant avant tout leurs propres intérêts. Le suffrage des électeurs est la meilleure solution pour savoir qui doit gouverner.
Notre loi prévoit un mandat présidentiel de quatre ans renouvelable une fois. J’ai déjà fait deux mandats et j’ai dû prolonger le second à cause de la guerre contre Daech. Le droit est ce qu’il y a de plus important, donc je ne me représenterai pas. Il y a dans notre parti beaucoup de possibles candidats, et des indépendants peuvent aussi demander les suffrages. Je veux pouvoir m’engager avec tout le temps dont je disposerai désormais pour le processus d’indépendance du Kurdistan irakien.
C’est un sujet très sérieux et nous l’organiserons, même s’il n’y a toujours pas de date fixée. L’accession à l’indépendance est un droit pour tous les peuples, y compris les Kurdes. La majorité de la population du Kurdistan irakien est pour cette solution.
Nous soutenons la cause kurde dans toutes les parties du Kurdistan, à condition qu’elle ne s’exprime pas par les armes et dans la violence. ■