Quatre jours après le feu vert accordé, par le parlement turc, à des opérations transfrontalières au Kurdistan irakien contre les bases arrières des rebelles séparatistes kurdes du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), une embuscade meurtrière a coûté hier la vie à au moins douze militaires turcs (et à 32 séparatistes kurdes), et accroît encore la tension.
«L’Irak continue d’abriter des terroristes et la Turquie a le droit d’éliminer les terroristes», a martelé le Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, issu du mouvement islamiste, affirmant que la Turquie est «très en colère». Les responsables du gouvernement et l’état-major se sont réunis hier soir. Près de 3 500 combattants du PKK, considéré comme une organisation terroriste par l’Union européenne et Washington, seraient basés en Irak.
Malgré la pression croissante de l’opinion publique, le Premier ministre turc avait plusieurs fois répété ces derniers jours que la riposte ne serait pas nécessairement «immédiate». Sorti grand vainqueur des élections de juillet, et renforcé par la victoire hier au référendum constitutionnel pour une future élection du chef de l’Etat au suffrage universel, il doit tenir compte du contexte international. Alors qu’Ankara veut relancer le processus de négociations avec l’UE, Bruxelles rappelle son opposition à une telle opération. Washington met ouvertement en garde la Turquie contre une intervention qui déstabiliserait la région kurde, seule oasis de paix dans le pays.
Les autorités turques veulent surtout faire monter la pression sur Bagdad et sur le gouvernement de la région autonome kurde, dont la relative prospérité économique dépend pour bonne part de l’ouverture de la frontière turque. Ankara exige une coopération accrue dans la lutte antiterroriste et, surtout, un droit de poursuite à chaud exclu de l’accord passé il y a un mois avec le gouvernement irakien. Le président irakien, le Kurde Jalal Talabani, comme celui du gouvernement régional kurde, Massoud Barzani, affirment «qu’ils ne remettront pas les chefs du PKK à la Turquie», tout en appelant la guérilla à arrêter ses opérations depuis l’Irak.
Les événements d’hier accroissent la tension. «Cette attaque le jour-même du référendum montre que les initiatives démocratiques n’intéressent pas le PKK», souligne Murat Yetkin, du quotidien turc Radikal, qui, comme nombre d’intellectuels libéraux, n’hésite pas à parler de «provocation».
L’embuscade a eu lieu dans les montagnes près de Hakkari, dans une zone limitrophe de l’Irak et de l’Iran. A-t-elle été menée en territoire turc par un PKK tenté par la politique du pire ? S’est-elle déroulée en territoire irakien contre des militaires turcs infiltrés, comme le déclare à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, un représentant du PKK affirmant qu’il y a aussi des prisonniers ? Les risques de dérapages sont d’autant plus sérieux que des milliers de manifestants ont défilé hier soir à l’appel de l’extrême droite nationaliste dans plusieurs villes du pays, dont Istanbul, qui, du fait de l’immigration intérieure, est aussi la plus grande ville kurde du pays.