BAGDAD - Les Etats-Unis semblent céder du terrain face aux Irakiens sur la question stratégique du rôle de la religion dans la définition du droit, marquant un tournant dans les âpres discussions visant à donner une nouvelle constitution au pays.Selon des négociateurs, le texte qui doit être présenté avant lundi fait de l'islam "la principale source" de la loi irakienne, comme le réclament les islamistes chiites, et non "une" source susceptible d'être contrebalancée par les droits de l'homme et les principes démocratiques.
Un représentant sunnite, Saleh al Moutlak, a ajouté qu'un accord avait été trouvé sur une disposition interdisant au parlement d'adopter une loi "contraire aux principes islamiques". Une cour constitutionnelle sera chargée de trancher les litiges à ce sujet, a précisé un dirigeant islamiste chiite.
Les sources contactées par Reuters n'ont pas clairement indiqué quelles concessions avaient consenti les représentants religieux, mais il semble que le rôle accru donné à l'islam pourrait s'accompagner d'une renonciation au fédéralisme.
LA DIPLOMATIE AMERICAINE RESTE SILENCIEUSE
Les Kurdes, qui bénéficient d'une autonomie de fait dans le Nord depuis 1991, veulent un Irak aussi décentralisé que possible, de même que le négociateur islamiste chiite Abdelaziz al Hakim, qui a récemment suggéré la création d'une région fédérale chiite dans le sud.
Le conseiller national à la sécurité, Mouaffak al Roubaï, a pour sa part estimé vendredi que le fédéralisme était le meilleur moyen d'éviter la guerre civile.
Mais plusieurs centaines de sunnites ont manifesté samedi à Ramadi en faveur d'un Etat fort et centralisé, comme à l'époque où ils dominaient la vie politique sous Saddam Hussein, et Moutlak a assuré que le projet de constitution contiendrait un paragraphe garantissant "l'unité de l'Irak".
Les diplomates américains, qui supervisent ces pourparlers jugés décisifs pour la normalisation politique de l'Irak et ont accepté de reporter d'une semaine la date limite initiale, n'ont pas commenté les ultimes tractations.
MANIFESTATIONS A KIRKOUK
Un éventuel accord "islamisme contre centralisation", passé entre négociateurs chiites et sunnites, risque cependant de se heurter à l'opposition de la délégation kurde, qui désapprouve chacune de ces orientations.
"Nous ne voulons pas d'une quelconque dictature, y compris d'une dictature religieuse", a déclaré à Reuters un représentant kurde. "Peut-être que les Américains négocient pour aboutir à tout prix à un accord, mais nous n'accepterons pas une constitution à n'importe quel prix."
Les dernières rencontres n'ont pas non plus permis de régler l'épineuse question des ressources pétrolières, dont la répartition dépend en partie du degré d'autonomie régionale.
Plusieurs centaines d'Arabes ont manifesté samedi dans la ville pétrolifère de Kirkouk, dans le nord du pays, que les Kurdes entendent "annexer" pour en faire la capitale de leur province. Trois gardes ont été blessés dans l'attaque du bureau d'un parti politique kurde, la deuxième en l'espace d'un mois.
Les divergences persistantes entre communautés ethniques et religieuses pourraient obliger Washington à consentir un nouveau report, lundi, au risque de repousser le référendum sur la constitution prévu le 15 octobre et les élections générales, fixées au mois de décembre.
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