Courrier international - 4 août 2006
Le transfert du pouvoir aux Irakiens se déroule progressivement. Ainsi, dès octobre, le gouvernement irakien aura à gérer directement les finances du pays et, d'ici à la fin de l'année, il aura à assumer la responsabilité de la sécurité sur l'ensemble du territoire irakien."Si Dieu le veut, les forces irakiennes seront en mesure d'assurer la sécurité sur l'ensemble du pays d'ici à la fin de l'année", a annoncé Jalal Talabani, le président irakien d'origine kurde, lors d'une intervention télévisée le mercredi 2 août, rapporte le Los Angeles Times. Une déclaration faite alors que les forces américaines viennent de procéder à un redéploiement de leurs troupes en Irak. Plus de 13 000 soldats sont actuellement en place à Bagdad, poursuit le quotidien américain.
Et, le lendemain de la déclaration du président irakien, "de hauts généraux de l'armée américaine • notamment le général John Abizaid, le plus haut responsable de l'armée américaine au Moyen-Orient • ont évoqué devant le Congrès le risque de voir les violences communautaires en Irak dégénérer en une guerre civile", annonce USA Today en une. Ce n'est pas la première fois qu'Abizaid et d'autres hauts responsables américains s'inquiètent des risques d'une guerre civile en Irak, poursuit le quotidien américain. Toutefois, selon Abizaid, "les risques qu'une telle guerre se produise ont fortement augmenté". Pour USA Today, ces déclarations "compromettent les plans de retrait de l'armée américaine".
Et le Los Angeles Times de noter que, "malgré la recrudescence des violences interconfessionnelles et la poursuite des attaques des insurgés, Talabani a tenu à souligner les 'progrès' réalisés au niveau de la sécurité, mais sans donner d'exemples précis". Le président irakien a également précisé : "Nous avons encore besoin d'équipements et de temps. Pour venir à bout du terrorisme, il nous faudra aussi la coopération de la population."
Une coopération qui sera difficile à obtenir, à en croire The New York Times. "En Irak, il est difficile de faire confiance à quiconque en uniforme", écrit le quotidien. En effet, de plus en plus d'enlèvements sont perpétrés par des commandos qui portent des uniformes des forces de l'ordre et utilisent des véhicules appartenant au ministère de l'Intérieur, souligne le journal. "Sont-ils de vrais officiers ? Des membres d'un escadron de la mort chiite ou sunnite ? Ou bien sont-ce des criminels qui utilisent des uniformes contrefaits et vendus sur le marché ?"
"On ne le saura probablement jamais. On en est arrivé à un point où les autorités qui sont censées enquêter sur ces affaires sont peut-être elles-mêmes responsables de ces crimes", poursuit le quotidien en citant Majid Hamid, un sunnite membre d'une organisation de défense des droits de l'homme et dont le propre frère a été enlevé et tué par un homme en uniforme.
"Récemment, le ministre de l'Intérieur, Jawad Bolani, a reconnu que certains bandits appartenaient à ses services. Et, afin de mettre un terme à cette confusion, il a annoncé devant le Parlement que ses hommes seront bientôt équipés de nouveaux uniformes et cartes d'identification difficiles à contrefaire", signale le NYT. Toujours est-il qu'à Bagdad, où des dizaines de personnes sont enlevées et tuées chaque jour, il sera désormais difficile de faire confiance à une personne en uniforme. D'autant plus que "les nouvelles tenues ne seront fournies qu'à un petit pourcentage des 145 000 hommes que compte le ministère de l'Intérieur."
De nouvelles dépenses sont donc à prévoir pour équiper les forces de l'ordre irakiennes, alors que "des milliards de dollars destinés dans un premier temps à la reconstruction d'écoles et de routes ont déjà été réorientés pour couvrir des dépenses liées à la sécurité", constate pour sa part The Christian Science Monitor.
Dans l'ensemble, sur les 14 600 projets prévus à l'origine, "près de 12 000 ont été achevés, quelque 2 000 sont en cours et plus de 500 n'ont pas encore été lancés", précise le quotidien américain. Les objectifs fixés au départ n'ont pas été atteints, "pour la bonne raison qu'une partie de l'argent a été redirigée pour combler les besoins en équipement des forces irakiennes."
Mais, d'ici au 30 septembre, date de la fin de l'année fiscale, "l'argent venant des fonds américains pour la reconstruction en Irak doit être entièrement engagé", poursuit le journal. Cela ne signifie pas que les Etats-Unis ne s'impliqueront plus dans la reconstruction en Irak. "De l'argent américain continuera à financer des projets dans ce pays à travers les canaux habituels de l'aide étrangère." Seulement, à partir du 1er octobre, la gestion de ces fonds reviendra au gouvernement irakien qui devra également "utiliser ses propres revenus, notamment pétroliers, pour mener à terme certains projets, même si l'aide internationale se poursuit."
The Christian Science Monitor rappelle que le Premier ministre irakien, Nouri Al-Maliki, lors de sa visite à Washington la semaine dernière, avait insisté sur la nécessité de maintenir l'aide internationale destinée à l'Irak. Al-Maliki avait notamment déclaré : "Nous avons encore besoin de votre assistance. Une grande partie du budget alloué à la reconstruction a été utilisée pour payer des entreprises et agents de sécurité dont le coût s'est avéré très élevé." |
Hoda Saliby |