a démarche est pour le moins inhabituelle. Cinquante-sept économistes iraniens mettent en garde, dans une lettre ouverte, le président conservateur, Mahmoud Ahmadinejad, contre les risques inflationnistes de sa politique économique. Ce texte, dont les journaux iraniens se sont fait l'écho, est signé, entre autres, par Mohammad Satari-far, ancien chef de l'Organisation du plan et du budget, et Hossein Abdeh Tabrizi, ex-responsable de la Bourse de Téhéran.
La hausse des prix a atteint - officiellement - plus de 17 % lors de l'année iranienne (qui s'est achevée le 20 mars), et tournerait même autour de 20 % et plus. "Les politiques monétaires et bancaires appliquées vont à l'encontre des objectifs de justice déclarés", affirment les économistes. Ils reprochent au gouvernement l'augmentation, annoncée fin mai, de 40 % des liquidités pour l'année en cours.Les dérapages monétaires de la politique populiste du gouvernement, qui a augmenté les dépenses publiques en injectant, par exemple, l'argent du pétrole dans des projets régionaux pas toujours nécessaires ou mal contrôlés, sont de plus en plus critiqués.
Les Iraniens les plus défavorisés, ceux auxquels M. Ahmadinejad affirme s'intéresser en priorité en leur promettant d'"apporter l'argent du pétrole à leur table", sont durement touchés par l'augmentation du prix des denrées de base (en dépit des subventions dont bénéficient certains produits) et par celui des loyers, qui, à Téhéran, ont été multipliés par sept en deux ans. "Le coût des décisions non scientifiques et précipitées est très lourd et sans retour (...), en particulier pour les couches ayant les revenus les plus bas", affirment ainsi les économistes, qui évoquent une "augmentation de la pauvreté".
Ces critiques interviennent au moment même où les autorités de Téhéran s'apprêtent à lancer, jeudi 14 juin, un plan controversé de rationnement de l'essence, dont les prix ont fortement augmenté ces derniers mois. La première phase concerne seulement "les voitures utilisées par les services gouvernementaux", a déclaré Ali Akbar Mehrabian, responsable de ce plan : "elles auront droit chacune à un maximum de dix litres d'essence par jour à un prix subventionné". Dans un second temps, le plan touchera les véhicules privés.
Les raffineries iraniennes ne produisent que 44,5 millions de litres d'essence par jour, alors que la consommation quotidienne est de 79 millions de litres. Quatrième producteur de pétrole mondial, l'Iran a pourtant dû importer pour 5 milliards de dollars d'essence l'année dernière, environ 40 % de sa consommation. Le gouvernement estime que, sans rationnement, les importations coûteront 9,5 milliards de dollars cette année.
Marie-Claude Decamps