Kilomètre zéro

Critique - LE MONDE | 13.09.05 | 13h47
Info
ourné en grande partie au Kurdistan irakien après la chute du régime de Saddam Hussein, Kilomètre zéro, d'Hiner Saleem, vacille sous le poids de l'histoire.
Ako (Nazmî Kirik) se refuse à rejoindre les peshmergas et voudrait fuir le Kurdistan ; il n'en a pas le temps et est enrôlé de force dans l'armée irakienne (on est à la fin du conflit irako-iranien). Alors qu'il cherche à se faire réformer pour blessure, on lui demande d'accompagner le cercueil d'un soldat mort au front jusqu'à son village natal. Conduit par un chauffeur de taxi arabe, Ako tente de parvenir jusque chez lui. Ce compagnonnage forcé sert à Hiner Saleem d'élément de démonstration : pas plus qu'Ako et son chauffeur, propulsés sur les (mauvaises) routes d'Irak par le pouvoir militaire, les Kurdes et les Arabes ne peuvent s'entendre. Il leur faudra repartir de zéro. L'urgence de ce discours est telle qu'Hiner Saleem n'a presque plus jamais recours à l'invention poétique, à l'humour absurde qui caractérisaient son précédent film, Vodka Lemon.

Cette fois, tout est mis à plat, montré et remontré, comme cette statue de Saddam trimballée à travers le pays en même temps que le cadavre du héros de guerre. Ce ressassement est le signe, bien sûr, de la défaite du cinéaste face à son sujet. Mais il est aussi le moyen de tenter de communiquer à un spectateur éloigné le poids obsessionnel de la réalité de l'exil. Et il arrive qu'Hiner Saleem fasse éclater la dimension amoureuse de cette obsession dans la beauté d'un plan sur les montagnes du Kurdistan. ­


Film franco-kurde d'Hiner Saleem. Avec Nazmî Kirik, Eyam Ekrem. (1 h 36.)

Thomas Sotinel
Article paru dans l'édition du 14.09.05