Soldat américain
Un soldat de la dernière brigade de combat américaine dit adieu à l'Irak alors que son convoi passe la frontière vers le Koweït, le 16 août 2010. —REUTERS/U.S. Army/Natalie Cole/Handout
20minutes.com | Bérénice Dubuc
DECRYPTAGE - Car de l'instabilité politique de l'Etat découle son insécurité...
Alors que la dernière brigade de combat américaine a quitté l'Irak jeudi matin, la question de l’avenir du pays se pose en lettres capitales: le gouvernement– qui n’est toujours pas formé – réussira-t-il à maintenir la paix, malgré le défi que représente le maintient de la sécurité intérieure pour une armée irakienne tout juste rompue à l’exercice?
Oui, si l’on en croit le gouvernement irakien. Car, si la situation n’est pas encore pacifiée, l’insécurité a beaucoup reculé depuis début 2009 grâce à un affaiblissement d’Al Qaida. En effet, s’il y a toujours des opérations terroristes, il n’y a plus, comme entre 2005 et 2007, 2.000 morts par jour. «Al Qaida est en perte de puissance car ses militants en Irak sont uniquement des combattants étrangers qui, après avoir profité du mécontentement des sunnites après la chute de Saddam Hussein, se les sont mis à dos», explique Karim Pakzad, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de la région.
Une défection exploitée par le général Petraeus, qui a formé des milices sunnites pour aider à stabiliser le territoire, tout en corrigeant les erreurs commises sur le plan de la sécurité après l’invasion de 2003. Ainsi, depuis deux ans, il reforme l’armée nationale, dissoute à l’époque, et aujourd’hui forte de 200.000 hommes. Cependant, elle «n’est pas encore totalement capable d’assurer la sécurité», selon le chercheur de l’Iris. D’où l’importance de la présence des Américains jusqu’à fin 2011 pour entraîner et conseiller les forces irakiennes.
Cependant, la principale préoccupation des observateurs «n’est pas Al Qaida, mais les tensions politiques», affirme Karim Pakzad. En effet, le pays connaît une grave crise politique qui pourrait rallumer le conflit entre sunnites et chiites, déclenché par l’invasion américaine: cinq mois après les élections, il n’y a toujours pas de gouvernement.
La coalition majoritaire au Parlement - qui regroupe l’Alliance de l’Etat de droit du Premier ministre sortant, Nouri al-Maliki, et l’alliance nationale irakienne, proche de l’imam radical Moqtada al-Sadr - est toujours incapable de s’accorder sur le nom du Premier ministre. «Un blocage qui démontre le manque de maturité politique du pays et de ses dirigeants», selon Karim Pakzad, d’autant que ces luttes de pouvoir sont personnelles, et pas pour défendre un projet particulier de gouvernement.
D’autres questions sont aussi en suspens et pourraient relancer les tensions interethniques, à l’image du règlement de l’avenir de la ville de Kirkouk, qui produit environ 30% du pétrole irakien et que les Kurdes veulent voir rattachée à la Région autonome du Kurdistan. La Constitution prévoit bien la tenue d'un référendum sur ce sujet, mais, en cinq ans, il n’a toujours pas eu lieu.
Pourtant, «avec le départ des Américains, le pouvoir politique va être dans l’obligation d’accélérer la réconciliation», pense Karim Pakzad. Une bonne chose car, selon lui, « si, d’ici à 2011, les chiites surmontent leurs divergences, il y a la possibilité d’une stabilisation politique et sécuritaire». Le chercheur considère en effet qu’il y a «un ensemble d’éléments qui l’incitent à l’optimisme pour l’avenir du pays», comme par exemple «l’attachement des Irakiens à la représentation démocratique», démontrée par la forte participation aux élection législatives de mars.
Mais cet optimisme affiché ne l’empêche pas d’être prudent, car «il n’est pas sûr que la situation ne va pas basculer dans l’autre sens», l’avenir de l’Irak dépendant également des luttes de pouvoir entre l’Arabie saoudite et l’Iran, qui jouent le rôle d’appui respectif des communautés sunnites et chiites sur son sol.