Les parlementaires chiites et sunnites ont convenu de faire un front commun contre les Kurdes. Quand on sait que les premiers dépensent leur énergie à alimenter la culture du ressentiment les uns envers les autres, ce fait mérite d'être souligné trois fois plutôt qu'une. Il est en tout cas révélateur d'une profonde inquiétude: que les Kurdes fassent tout simplement sécession et signent de ce fait l'implosion de l'Irak.
Il est vrai que, depuis l'été dernier, les dirigeants de la province kurde multiplient les gestes propres à angoisser les responsables chiites et surtout sunnites. Exemple spectaculaire entre tous, en août dernier les responsables du gouvernement régional ont décidé de composer leur propre loi d'exploitation du pétrole plutôt que d'attendre celle promise par le gouvernement central depuis des lunes.
Dans la foulée de l'adoption de ce texte qui implique une dénationalisation de facto, même si elle est régionale, de la production de l'or noir, les Kurdes ont conclu une série d'accords avec des compagnies étrangères pour l'extraction et le raffinage dans une région où sont concentrées les plus importantes réserves. Juste avant Noël, c'est à noter, la société norvégienne DNO indiquait que le volume d'hydrocarbures d'un des sites était en fait le double de celui estimé jusqu'à présent.
Du premier ministre Nouri al-Maliki au simple député, tout ce que la capitale compte de notables politiques s'emploie donc à contrer les Kurdes en clamant que l'or noir appartient à tous. Comme par hasard, voilà que le gouvernement central promet la présentation prochaine d'une loi sur le sujet après avoir tergiversé au cours des trois dernières années.
Comme par hasard (bis), ce même gouvernement vient d'adopter une loi autorisant la réintégration d'ex-baasistes dans la fonction publique et un certain nombre de corps de métiers. À ce propos, on se souviendra que la décision de renvoyer les ex-baasistes qui étaient ingénieurs ou policiers, enseignants ou médecins a eu pour effet pervers de nourrir les rangs des milices vouées à la défense des sunnites.
Cela étant, la loi corrigeant ce qui a été fait hier a été reçue avec des grincements de dents au sein de la communauté kurde. On s'en doute, les ravages provoqués sur ordre de Saddam Hussein demeurent très vifs dans la mémoire collective d'un peuple à qui l'on avait promis l'indépendance au lendemain de la... Première Guerre mondiale.
À cette série de faits vient de se greffer une nouvelle susceptible de renforcer le sentiment national des Kurdes. De quoi s'agit-il? On a appris récemment que les militaires américains avaient communiqué à l'état-major turc des informations relatives aux mouvements des militants du PKK dans le nord de l'Irak pour faciliter le bombardement de leurs bases. Bref, la table est mise pour une déclaration unilatérale d'indépendance.