Malgré son intérêt pour des discussions avec les États-Unis sur la question irakienne, le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, n'entend pas céder sur le nucléaire et a déclaré, hier, vouloir poursuivre l'enrichissement de l'uranium. |
ACCUSÉE par Washington de soutenir le chaos en Irak, la République islamique pourrait envisager un dialogue avec l'Amérique sur la question irakienne. « Nous sommes prêts à considérer toute demande relative à des discussions, mais cela ne veut pas dire que nous devions les accepter », déclarait, hier, Manouchehr Mottaki. La remarque du ministre iranien des Affaires étrangères anticipe les recommandations prêtées au groupe d'étude sur l'Irak, codirigé par l'ancien secrétaire d'État, James Baker, et qui devrait proposer à Washington de parler avec ses ennemis. Des propos diplomatiques que le président Mahmoud Ahmadinejad s'est aussitôt chargé de corriger, en affirmant que l'objectif de l'Iran est d'installer 60 000 centrifugeuses pour l'enrichissement de l'uranium.
Bien que la République islamique, qui a rompu ses relations avec Washington depuis 1979, demeure frileuse à toute forme de dialogue avec les Américains, elle se sent directement concernée par la situation irakienne. L'augmentation de la violence chez son voisin pourrait à terme avoir des conséquences sur sa propre stabilité.
En envahissant l'Irak en 2003, l'Amérique a bien sûr rendu le plus grand des services à l'Iran. Elle l'a non seulement débarrassé de son pire ennemi régional, Saddam Hussein, mais elle a également favorisé l'accès au pouvoir d'une majorité chiite, et au sein de laquelle Téhéran entretient une multitude de réseaux, activables si nécessaire. Dans son dernier rapport, « L'Iran, ses voisins et les crises régionales », le think tank britannique Chatham House rappelait qu'en cas d'attaque américaine en Iran, « Téhéran pourrait répondre en soutenant l'activité des milices chiites en Irak et en encourageant les attaques des insurgés contre les forces multinationales ».
Ambitions de puissance régionale
Stratégiquement parlant, il n'est pas dans l'intérêt de Téhéran de voir émerger, à ses portes, un État pro-occidental stable, qui pourrait fragiliser ses ambitions de puissance régionale. Dans ces conditions, note le rapport de Chatham House, « l'Iran est capable d'utiliser son pouvoir de déstabilisation en Irak ». Toutefois, « la sécurité irakienne est très importante pour nous, car tout ce qui peut mettre en danger la sécurité de ce pays, ou bien accroître les tensions entre chiites et sunnites, aura également un impact sur l'Iran », déclarait récemment l'ancien président réformateur iranien, Mohammad Khatami, lors d'une tournée en Grande-Bretagne. Son successeur, Mahmoud Ahmadinejad, un conservateur élu en juin 2005, s'était fait, cet été, le porteur du même message que son adversaire lors de la visite du premier ministre irakien Nouri al-Maliki, à Téhéran. « La sécurité de l'Irak, avait-il dit, c'est la sécurité de l'Iran. »
Le mois dernier, le conseiller à la sécurité nationale irakienne, Mowafaq al-Rubai, a évoqué les tensions entre communautés kurde, chiite et sunnite avec son homologue iranien, Gholam Hossein Mohseni Ejei. « Les deux parties se sont mises d'accord pour former un groupe de travail visant à approfondir la coopération en matière de renseignement et de sécurité », précisait un communiqué de son cabinet à l'issue de la rencontre entre les deux hommes.