La salle d'audience de la CEDH, à Strasbourg.
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Lorientlejour.com
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné mardi la Turquie pour le placement en détention provisoire d'un maire kurde en raison de ses activités et déclarations, une mesure "pas nécessaire dans une société démocratique".
Les autorités turques ont reproché à Tuncer Bakirhan, maire de la ville de Siirt, agglomération d'environ 130.000 habitants située dans le sud-est du pays, d'avoir "fait de la propagande" et "d'être membre" du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Cette organisation est qualifiée de "terroriste" par Ankara. Elu en 2014 sous l'étiquette du "Parti de la paix et de la démocratie", un parti d'opposition, il a été placé en détention provisoire et relevé de ses fonctions en novembre 2016. Il a été libéré en octobre 2019, mais la cour d'assises de Siirt l'a condamné à 10 ans et 18 jours d'emprisonnement ce même mois. La procédure à son encontre est toujours en cours.
La CEDH "observe que le requérant a été privé de sa liberté pendant environ deux ans et 11 mois dont plus de deux ans et huit mois sous le régime de détention provisoire. Elle juge qu'il n'existait pas de motifs suffisants pour ordonner la privation de liberté du requérant dans l'attente de son jugement". "Pour la Cour, les activités reprochées au requérant revêtent un caractère clairement politique", poursuit le bras judiciaire du Conseil de l'Europe, basé à Strasbourg. "Vu le caractère fondamental du libre jeu du débat politique dans une société démocratique, la Cour n'a décelé aucune raison impérieuse susceptible de justifier la gravité de la mesure incriminée", ajoute la CEDH. "Elle estime que le fait de priver de sa liberté le requérant, un élu du peuple, pour une telle durée en raison de ses activités politiques s'analyse en une ingérence manifestement disproportionnée aux buts légitimes poursuivis. La privation de liberté en question n'était pas donc pas nécessaire dans une société démocratique", conclut-elle.
La Turquie est régulièrement condamnée par la CEDH, notamment pour des emprisonnements irréguliers. Estimant qu'elle a ici violé les articles 5.3 (droit à la liberté et à la sûreté) et 10 (liberté d'expression) de la Convention européenne des droits de l'homme, la CEDH la condamne à verser 10.000 euros au requérant pour dommage moral, et 3.000 euros pour frais et dépens.