Le président irakien Jalal Talabani a déclaré, dimanche 28 août, que la Constitution, signée le matin même par son Comité de rédaction et lue devant le Parlement, était prête pour être soumise à référendum au terme d'un processus difficile qui n'a pas totalement satisfait les sunnites.La Constitution est désormais prête et sera soumise au peuple irakien, qui est connu pour son intelligence et qui se prononcera dessus le 15 octobre, a déclaré M. Talabani devant la presse lors d'une cérémonie organisée à Bagdad. "Si le peuple l'adopte, ce sera notre loi fondamentale, sinon nous élaborerons une autre Constitution", a-t-il ajouté.
Cette cérémonie marque la fin du processus de rédaction de la Constitution qui a été marqué par d'âpres discussions entre Kurdes, chiites et sunnites. Ces derniers, hostiles au fédéralisme, ont rejeté les points qui menacent, selon eux l'unité du pays, mais annoncé leur intention de continuer à participer au processus politique pour faire triompher leurs idées.
Le président Talabani a dit comprendre les "objections des frères sunnites". "Cela fait partie de la démocratie", a-t-il estimé, tout en soulignant que "personne ne peut prétendre représenter l'ensemble des arabes sunnites".
De son côté le président du Parlement Hajem Al-Hassani, un sunnite, a reconnu la "difficulté et la complexité" des négociations qui ont eu lieu depuis le 7 août sur le texte. "Notre objectif a toujours été d'atteindre un consensus pour être sûr d'assurer un vote par oui au référendum", a-t-il dit, avant d'ajouter qu'"il revient maintenant au peuple irakien de dire son mot".
Quant au premier ministre (chiite), Ibrahim Jaafari, il a qualifié la fin du processus constitutionnel de "réalisation historique" dans une conférence de presse donnée en milieu d'après-midi.
LES SUNNITES IMPLIQUÉS DANS LE PROCESSUS POLITIQUE
Après avoir laissé entendre qu'ils allaient rejeter le texte en bloc, les négociateurs sunnites n'ont refusé que les articles qui menacent, selon les termes d'un communiqué, "l'unité" de l'Irak. "Nous avons décidé de ne pas accepter les articles qui portent atteinte à l'intégrité territoriale, à l'unité du peuple et à son identité", souligne le texte, avant d'appeler la Ligue arabe, l'ONU et la communauté internationale à soutenir la position des sunnites. "Ceci ne nous empêchera pas de participer au processus politique et d'agir pour un Irak uni, à commencer par sa prochaine étape, les élections", ajoute le texte en référence au référendum et aux élections législatives du 15 décembre.
Après sa signature, le texte a été lu devant le Parlement. Dans son allocution d'ouverture, le président du comité de rédaction de la Constitution, le chiite cheikh Houmam Hammoudi, a affirmé que le texte "consacre clairement les libertés conformément aux conventions internationales comme l'égalité, les droits de la femme et les droits culturels, politiques et sociaux." Il a trouvé "naturel qu'il y ait différents points de vue sur la Constitution", mais a espéré que ceux qui ont "des réserves" au sujet du texte l'accepteront tout de même. Il a ajouté que "plusieurs questions ont été renvoyées à la prochaine Assemblée".
Les négociations entre les groupes chiites et sunnites ont buté jusqu'à la dernière minute sur la question du fédéralisme et sur la mention du Baas. Le président irakien Jalal Talabani serait intervenu personnellement samedi auprès des négociateurs sunnites pour tenter de trouver une ultime chance de compromis, selon une source kurde. La libération, ces derniers jours, d'un millier de détenus de sécurité sunnites du centre de détention d'Abou Ghraib pourrait aussi être considérée comme un geste du chef de l'Etat irakien à l'égard des négociateurs sunnites, incités à faire partie du compromis.
UN BALLET DE PROPOSITIONS
Un véritable ballet de propositions et contre-propositions a marqué les négociations de dernière heure entre les groupes politiques à la recherche d'un compromis. Au total, quatorze amendements ont été apportés au texte par rapport à sa version présentée le 22 août au Parlement, a précisé un parlementaire.
Cette version, comme la première, parle d'un Irak "démocratique, parlementaire et fédéral" et fait de l'islam "une source principale" de la loi et non "la principale source" comme voulu par les sunnites.
Selon un député, le texte reconnaît l'existence de la région autonome du Kurdistan. Par contre il prévoit de confier à la prochaine Assemblée nationale, qui doit être élue le 15 décembre, la question de l'organisation du système fédéral en Irak et de son application, a encore indiqué ce député.
Quant à la mention du parti Baas, l'un des deux points principaux de divergence entre sunnites et chiites, le texte final fait référence à la seule période au cours de laquelle il a été dominé par le président déchu Saddam Hussein, a-t-il dit.
Un député, membre du Comité de rédaction, a expliqué à l'AFP que le Parlement n'avait pas besoin de voter le texte, étant donné qu'il avait donné son approbation à la version précédente, le 22 août. "La mission du Parlement et plus précisément du Comité de rédaction consiste maintenant à le faire connaître à l'ensemble du peuple irakien pour qu'il se prononce dessus lors du référendum", a-t-il dit, précisant que des millions de de copies du texte seront prochainement distribuées à travers le pays.
Une cérémonie doit être organisée dans la journée autour du président irakien Jalal Talabani, pour marquer la fin de la rédaction du projet de Constitution. Elle sera retransmise en direct par la télévision.
Avec AFP et Reuters