La Constitution, un compromis entre chiites et Kurdes

BAGDAD, 11 oct (AFP) - 7h52 - Le projet de Constitution irakienne, qui sera soumis à référendum samedi, apparaît comme le fruit d'un compromis difficile entre chiites et Kurdes, qui a été jugé inacceptable par les sunnites.Ce texte tient compte de la principale demande kurde, le fédéralisme, et donne une place importante à l'islam dans la législation, ce qui satisfait partiellement les chiites. Il enrage les sunnites qui y voient l'amorce d'une partition du pays qu'ils ont dominé politiquement depuis sa naissance.Le projet ne manque pas de faiblesses et de zones d'ombres, selon un spécialiste, qui estime qu'il rendra le pays difficilement gouvernable.Il prévoit un Etat fédéral et un régime parlementaire, rompant avec le modèle centralisé et laïc de l'Irak d'avant, inspiré par l'idéologie nationaliste et socialiste du parti Baas, même si l'islam y était considéré comme la religion d'Etat.Dans les négociations politiques sur le texte, les représentants des arabes sunnites ont défendu l'idée d'un Etat fort, ancré à l'aire arabo-musulmane, sans obtenir gain de cause.C'est que la donne politique a été bouleversée après la chute du régime de Saddam Hussein en mars 2003, suivi par le déclin de la communauté des Arabes sunnites, un quart de la population environ, au profit des chiites, majoritaires, et des Kurdes, jaloux de leur autonomie de fait.Un diplomate étranger parle ainsi d'une "constitution de réaction à l'ancien régime, rédigée par ceux qui en soufferts".Mais comme dans chaque compromis, le texte du projet ne manque pas de contradictions. Il interdit par exemple de promulguer des lois contraires à l'islam, tout en prévoyant le respect de la liberté de pensée et d'expression. Il laisse au Parlement le soin de statuer sur des questions aussi importantes que les relations entre le gouvernement fédéral et les pouvoirs des provinces et régions."La Constitution a de nombreuses faiblesses", note ainsi un spécialiste de l'histoire de la région, Juan Cole de l'Université du Michigan aux Etats-Unis."Elle laisse au Parlement le soin de régler des questions importantessur lesquelles il peut statuer par une simple majorité, ce qui risque de se transformer en tyrannie parlementaire", avertit-il."Il comporte (aussi) une contradiction de taille", consistant à prendre en compte à la fois du droit positif et du droit religieux, souligne ce spécialiste."Pourra-t-on parler de liberté d'expression lorsque les propos blasphématoires peuvent donner lieu à des poursuites judiciaires ?", s'interroge-t-il, en estimant que la justice aura à en décider et que les partis religieux chiites ne manqueront pas d'imposer leur juges dans les tribunaux.C'est sur le partage des richesses pétrolières que le compromis est le plus frustrant pour les sunnites car non seulement il accorde aux provinces une portion de ce pactole, mais il prévoit qu'elles aient leur mot à dire sur l'attribution du revenu des gisements restant à découvrir.Selon Juan Cole, ce point est d'autant plus grave pour les sunnites que leurs zone désertiques ne semblent pas receler de réserves d'hydrocarbures, alors qu'elles sont abondantes dans le sud à forte majorité chiite."Ils (les sunnites) risquent d'être marginalisés économiquement", souligne-t-il, estimant que cette seule raison suffirait à les faire entrer en guerre contre les autres communautés.N'ayant pas obtenu gain de cause pendant les laborieuses tractations sur le texte, les sunnites ont fini par appeler à voter "non" lors du référendum, sans boycotter la consultation.Les changements mineurs apportés au texte, comme un ajout à son article 3 rappelant que l'Irak est "un membre fondateur et actif de la Ligue des Etats arabes", ne les ont pas convaincus du contraire.