Les coalitions chiite et kurde qui dominent l'Assemblée irakienne élue entamaient jeudi des discussions de fond sur la formation de l'exécutif, qui risquent d'achopper sur les revendications kurdes.Les négociateurs devaient se retrouver en soirée à Bagdad, a indiqué le dirigeant du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), un des principaux partis chiites, Abdelaziz Hakim.
"Ils (les Kurdes) nous présenteront leurs revendications aujourd'hui et l'Alliance les examinera", a déclaré M. Hakim, tête de la liste de l'Alliance unifiée irakienne (AUI), qui a obtenu 140 sièges sur 275 à l'Assemblée.
Il a souligné que les entretiens mardi et mercredi du candidat de l'AUI au poste de Premier ministre Ibrahim Jaafari avec les dirigeants de la liste kurde, arrivée en deuxième position, avec 75 députés, avaient porté sur des questions générales. "Le Dr Jaafari n'est pas allé au Kurdistan pour discuter des détails, cela aura lieu à la réunion d'aujourd'hui", a indiqué M. Hakim.
Un haut responsable du CSRII, Hamid al-Bayati, a précisé que M. Jaafari avait informé les deux dirigeants de l'alliance kurde, Massoud Barzani, chef du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et Jalal Talabani, qui dirige l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), de la position de l'AUI "sur les principaux postes: le président, les vice-présidents et le Premier ministre".
Il a qualifié ces rencontres de "première étape". "La prochaine étape sera de discuter des ministères et de qui aura quoi", a-t-il ajouté. Les Kurdes maintenaient leurs exigences avant la rencontre et refusaient de s'engager à soutenir de M. Jaafari, qui a besoin de leur soutien face au Premier ministre Iyad Allaoui, candidat à sa propre succession, dont la liste a obtenu 40 sièges.
La Constitution provisoire prévoit l'élection par les deux tiers des députés d'un Conseil présidentiel de trois membres, qui choisit à l'unanimité le Premier ministre, obligeant le groupe chiite à se liguer soit avec M. Allaoui soit avec les Kurdes. "Nous allons nous allier avec la partie qui acceptera, par écrit, les demandes kurdes", a déclaré M. Talabani, candidat à la présidence, lors d'une conférence de presse conjointe avec le chef du PDK à Salaheddine, à 380 km au nord de Bagdad.
M. Barzani a résumé les revendications kurdes: "Il faut que la loi fondamentale soit la base de la Constitution permanente, qu'une solution soit trouvée à Kirkouk sur la base de l'article 58 de la première loi, que les forces des peshmergas (milices kurdes) soient maintenues, que les richesses (pétrolières) soient réparties de manière équitable et que soit retenu le principe du fédéralisme". Les responsables de l'AUI se sont montrés conciliants sur le fédéralisme et la Constitution, plus fermes sur la ville pétrolière de Kirkouk, et évasifs sur le reste. "Nous suivrons dans la nouvelle Constitution les grandes lignes de la Loi fondamentale", a assuré M. Bayati.
"Nous sommes convenus d'accepter le fédéralisme pour les Kurdes mais c'est le fédéralisme pour tout l'Irak", a-t-il ajouté. En revanche, les dirigeants de l'Alliance chiite ont estimé que le règlement de la question de Kirkouk, d'où le régime de Saddam Hussein avait chassé des centaines de milliers de Kurdes pour les remplacer par des Arabes, relevait de la compétence de l'Assemblée. Ils ne se sont pas prononcés explicitement sur les milices kurdes et le partage des ressources. Mais ils se sont déclarés confiants sur la conclusion d'un accord.
"Nous voudrions que cela soit fait rapidement. Il est difficile de prédire une date mais je crois que deux semaines serait une période réaliste pour un accord global", a estimé M. Bayati, alors que le chef du CSRII espérait une entente dans les prochains jours.