La France doit condamner « la réalité brutale et cruelle de la dictature des mollahs » en Iran

mis à jour le Mercredi 13 février 2019 à 16h29

lemonde.fr | Tribune | Collectif | Publié le 11 février 2019

Dans une tribune au « Monde », seize personnalités – journalistes, écrivains, scientifiques, hommes et femmes politiques – dont Daniel Cohn-Bendit, Arno Klarsfeld ou encore Corinne Lepage estiment que le quarantième anniversaire de la République islamique doit être l’occasion pour la France de soutenir les aspirations à la liberté du peuple iranien face à une répression implacable.

 

Tribune À l’instar de ses partenaires britannique et allemand, la France entend préserver l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien signé le 14 juillet 2015 dont les Etats-Unis se sont retirés. C’est un choix diplomatique qui fait couler beaucoup d’encre et sur lequel chacun d’entre nous peut avoir son avis. Ce dossier épineux ne doit cependant pas occulter la réalité brutale et cruelle d’une dictature à fondement religieux qui s’apprête à fêter en grande pompe son quarantième anniversaire.

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Le grand oublié de ces sinistres célébrations n’est autre que le peuple iranien. Cette nation de quatre-vingts millions d’habitants subit depuis quatre décennies l’un des régimes les plus répressifs et liberticides de la planète. Une dictature régie par des lois moyenâgeuses qui embastille, torture et exécute sa propre population au nom d’une idéologie islamiste totalitaire pseudo-révolutionnaire.

Entre 2013 et 2019, plus de 3 600 personnes ont été exécutées, soit plus d’une exécution par jour en moyenne, le plus souvent par pendaison.

Téhéran continue ainsi de détenir le triste record mondial d’exécutions par nombre d’habitants. L’accession à la présidence de M. Rohani, réélu en 2017, n’a malheureusement en rien changé la donne. La situation s’est au contraire aggravée. Entre 2013 et 2019, plus de 3 600 personnes ont été exécutées, soit plus d’une exécution par jour en moyenne, le plus souvent par pendaison. Parmi les suppliciés, on compte nombre d’intellectuels, d’opposants, de féministes et de défenseurs des droits de l’homme. Ces condamnations à mort sont prononcées lors de procès inéquitables et en dehors de toute procédure régulière.

Intensification de la répression en 2018

Des milliers de personnes se trouvent actuellement sous le coup d’une condamnation à mort à l’instar de Mohammad Reza Haddad qui n’avait que 15 ans au moment des faits ! Rappelons par ailleurs que le régime intégriste des mollahs considère « l’insulte au prophète », « l’apostasie », « l’homosexualité » ou l’adultère comme autant de crimes passibles de la peine capitale. Sur le terrain des libertés fondamentales, le bilan de la tyrannie iranienne est tout aussi désastreux. L’année 2018 a été marquée par une intensification sans précédent de la répression des droits aux libertés d’expression, d’association et de réunion.

Les femmes ont été particulièrement ciblées par la théocratie iranienne, notamment celles qui ont osé braver les lois abusives et discriminatoires imposant le port du hijab. Ces courageuses militantes de la liberté de religion et de conviction sont descendues dans la rue en brandissant en silence leur voile au bout d’un bâton. Le régime a férocement réprimé ces protestations pacifiques. Les jeunes contestatrices ont fait l’objet d’arrestations arbitraires systématiques et subi des châtiments aussi cruels qu’humiliants. Certaines d’entre elles ont été passées à tabac et flagellées, parfois en place publique.

Cette répression brutale a également pris pour cible la vague de contestation qui a vu le jour au début de l’année 2018. Des milliers de manifestants sont descendus dans les rues du pays pour protester contre la vie chère, la corruption et le népotisme du régime, reprenant ainsi à leur compte certaines revendications du « mouvement vert » dont le soulèvement pacifique avait été noyé dans le sang par les sbires de l’autocrate ultra-conservateur Mahmud Ahmadinejad.

Chantage à la terreur

En dépit des arrestations arbitraires massives et des lourdes peines de prison prononcées contre les manifestants, la contestation a gagné tout le pays. Les mots d’ordre des protestataires se sont diversifiés et étendus à la dénonciation du coup économique exorbitant de la politique d’ingérence extérieure des mollahs. Aux cris de « lâchez la Syrie » et de « ni Gaza, ni Liban, ma vie est en Iran », la population iranienne s’est érigée contre l’aventurisme militaire des « Gardiens de la Révolution » qui ont dilapidé des milliards de dollars pour sauver, directement ou par le biais de ses milices, le régime criminel d’Al-Assad en Syrie, se rendant ainsi complices de crime de guerre.

Dans un contexte de dégradation de la situation économique du pays, le financement à coup de millions de dollars d’organisations terroristes telles que le Hamas en Palestine et le Hezbollah au Liban est également décrié par une population iranienne excédée. Ne reculant devant rien pour assurer sa mainmise sur l’activisme pacifique des opposants, le régime n’hésite plus à pourchasser ces derniers hors de ses frontières en recourant au terrorisme d’état sur le sol même de notre vieux continent européen.

Le 6 juin 2018, deux diplomates iraniens ont été expulsés des Pays-Bas à la suite d’un attentat déjoué contre un opposant. Le 30 juin, c’est un attentat à la bombe contre le Conseil national de la résistance iranienne à Villepinte qui a été déjoué

Le 6 juin 2018, deux diplomates iraniens ont été expulsés des Pays-Bas à la suite d’un attentat déjoué contre un opposant. Le 30 juin, c’est un attentat à la bombe contre le Conseil national de la résistance iranienne à Villepinte qui a été déjoué. D’autres tentatives d’attentats ont été déjouées contre des opposants résidants en Albanie et au Danemark.

Enfin, rappelons que les plus hauts dirigeants du régime tiennent régulièrement des propos négationnistes sur la Shoah et appellent à « rayer de la carte » l’Etat d’Israël. Joignant le geste à la parole, ce régime belliciste développe un programme balistique à vocation offensive pouvant atteindre Israël mais aussi l’Europe. Il entend exercer ainsi un chantage à la terreur destiné à sanctuariser son existence et à se prémunir contre toute critique.

Face à la répression systématique et implacable de la République islamique, la France, patrie des droits de l’Homme, ne peut rester silencieuse. Notre pays doit se tenir aux côtés du peuple iranien et soutenir ses aspirations à la liberté et à la démocratie. C’est la raison pour laquelle nous exhortons le Président à condamner fermement et sans réserve le durcissement du régime des mollahs qui se rend coupable quotidiennement de violations graves et massives des droits de l’homme.

Le quarantième anniversaire du régime des mollahs doit être l’occasion de rappeler haut et fort que notre pays se tient aux côtés de ceux qui défendent les valeurs de liberté, de justice et de tolérance qui sont au fondement de notre République et de notre démocratie.

Signataires de cette tribune sont Nicole Bacharan, politologue et historienne ; Elisabeth Badinter, philosophe; Laurent Bouvet, politologue ; Pascal Bruckner, philosophe et essayiste ; Daniel Cohn-Bendit, homme politique ; Chahdortt Djavann, écrivaine et essayiste ; Roger-Pol Droit, philosophe et écrivain; Romain Goupil, réalisateur ; Marek Halter, écrivain ; Serge Hefez, psychanalyste et écrivain; Waleed Al-Husseini, essayiste ; Jacques Julliard, essayiste et écrivain ; Arno Klarsfeld, avocat ; Bernard Kouchner, ancien ministre; Corinne Lepage, avocate et femme politique ; Éric Marty écrivain; François Margolin, réalisateur; Kendal Nezan, physicien, président de l’Institut kurde de Paris; Michaël Prazan, documentariste et écrivain ; Boualem Sansal, écrivain ; Sahand Saber, avocat; Dominique Simonnet, journaliste, écrivain, Nicolas Tenzer, haut fonctionnaire, essayiste.

Collectif