La région irakienne du Kurdistan veut de l’aide pour mieux accueillir les chrétiens d’Irak

mis à jour le Lundi 28 février 2011 à 16h52

La-croix.com | Anne-Bénédicte HOFFNER

Un colloque organisé samedi 26 février par l’Institut kurde de Paris a fait le bilan de l’accueil de 10 000 familles chrétiennes irakiennes dans cette province autonome

Depuis 2003, 10 718 familles chrétiennes irakiennes ont trouvé refuge au Kurdistan. « La communauté chrétienne fait un travail remarquable pour faciliter l’arrivée de nouveaux arrivants, assure Falah Mustafa, ministre des relations extérieures de la région autonome kurde d’Irak. Mais nous manquons de ressources pour couvrir leurs besoins humanitaires : logement, nourriture, soins, etc. »

Samedi 26 février, au cours d’un colloque organisé au Sénat par l’Institut kurde de Paris, Falah Mustafa a vanté la politique d’ouverture menée par son gouvernement à l’égard des chrétiens chassés du reste du pays par la violence et les attentats. Un accueil qui s’est encore accéléré depuis le sanglant attentat du 31 octobre 2010 à Bagdad : 2000 familles seraient arrivées depuis.

À l’unisson avec Fouad Hussein, directeur de cabinet de Massoud Barzani, président de la région autonome kurde, il a également fait appel à la générosité de la France et de l’Europe pour faire face au coût que représente cet accueil. « Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) aide les réfugiés irakiens hors d’Irak mais pas les déplacés à l’intérieur du pays », a-t-il déploré.

Une aide financière aux nouveaux arrivants

« La France et l’Europe ont une tradition d’assistance humanitaire : sans elles, nous n’aurions peut-être pas survécu aux atrocités que nous avons subies dans les années 1980 et 1990. Nous espérons que vous trouverez le moyen de soulager notre fardeau. »

En pratique, ont-ils plaidé, les autorités kurdes versent une aide financière aux nouveaux arrivants pour leur permettre de trouver un logement temporaire. Elles essaient également de trouver un travail aux hommes, et souhaiteraient « de nouveaux équipements pour pouvoir scolariser les enfants en arabe » (la seule langue que parlent la plupart en arrivant), les soigner…

Évêque chaldéen d’Amadia au Kurdistan, fervent défenseur de la province autonome, Mgr Raban Al Qas a confirmé que 370 villages chrétiens avaient déjà été construits, dotés chacun « d’une église ou d’une chapelle et d’une école ».

«Certains doutent de nous, nous accusent de duplicité»

« Il faut être reconnaissant au gouvernement du Kurdistan qui a mobilisé l’argent nécessaire, a-t-il insisté. Dans certains cas, lorsque les chrétiens sont revenus dans le village qu’ils avaient été contraints de quitter il y a quarante ans, les autorités kurdes ont demandé aux habitants de leur rendre leurs maisons. »

En filigrane percent d’ailleurs quelques-unes des questions que pose cette installation en masse de chrétiens au Kurdistan. Une « solution parmi d’autres », comme le note un spécialiste du dossier, mais qui n’emporte pas l’adhésion de l’ensemble des évêques irakiens.

Certains imaginent déjà les tensions que pourrait provoquer parmi la population kurde une implantation chrétienne durable, d’autant que les relations entre Kurdes et chrétiens sont loin d’avoir été toujours idylliques par le passé. « Certains Kurdes, arabes ou chrétiens, nous demandent parfois pourquoi cet accueil, certains doutent de nous, nous accusent de duplicité », a reconnu Fouad Hussein, assurant qu’il ne fallait y voir que le résultat d’une histoire kurde elle-même douloureuse. « Les Kurdes savent ce que c’est d’être réfugiés, déplacés mais aussi aidés par d’autres. »

«L’exemple du Kurdistan doit se répandre dans tout l’Irak»

La soumission des chrétiens à ce gouvernement kurde revendiquant son autonomie par rapport à Bagdad pose aussi question. La piste d’un « district chrétien autonome » dans le nord de l’Irak, autour de Mossoul (à côté et peut-être en partie à l’intérieur de la province kurde), a d’ailleurs été évoquée samedi, même si les représentants du gouvernement autonome se sont montrés évasifs.

« Cela dépendra du souhait des communautés chrétiennes : certains disent vouloir vivre comme des citoyens ordinaires partout en Irak. En ce qui nous concerne, nous disons que là où il y a une majorité de chrétiens, il peut y avoir autonomie administrative », a indiqué le ministre des relations extérieures.

« L’exemple du Kurdistan, qui est un peu le chouchou de la France, doit se répandre dans tout l’Irak, de telle sorte qu’il n’y ait plus de citoyens de seconde zone », a estimé pour sa part le P. Nejib Mikaël, supérieur des dominicains de Bagdad.