La stratégie de la pression d’Ankara contre les Kurdes irakiens


Jeudi 25 octobre 2007 | Marc Semo

Plusieurs incursions aériennes de l’aviation turque, pour bombarder des «caches» des rebelles kurdes dans les montagnes irakiennes, se sont déroulées hier alors que de nouveaux renforts militaires s’ajoutent aux 100 000 soldats massés le long de la frontière.

 Tout en affirmant vouloir encore privilégier la voie diplomatique, comme le leur demande Washington, les autorités turques augmentent la pression sur Bagdad et sur les autorités régionales du Kurdistan irakien pour les obliger à prendre des mesures contre les combattants séparatistes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré comme une organisation terroriste aussi bien par Washington que par les Européens. Ankara applique la même stratégie qu’en 1998 contre Damas, qui avait alors cédé et expulsé Abdullah Öcalan, le chef historique du PKK, qui fut enlevé quelques mois plus tard au Kenya par les Turcs puis jugé et condamné à la prison à vie.

Démenti. Les pressions semblent donner des résultats. Accusée régulièrement par Ankara d’aider le PKK, la présidence régionale kurde irakienne a explicitement appelé le PKK «à renoncer à la violence et à la lutte armée comme mode d’opération». Après la visite mardi à Bagdad d’Ali Babacan, le ministre turc des Affaires étrangères, les autorités d’Ankara ont laissé entendre que le président irakien, Jalal Talabani, aurait évoqué l’arrestation de quelques-uns des chefs du PKK dont l’extradition est exigée par Ankara. Le président irakien a démenti affirmant que «les chefs du PKK vivaient dans les montagnes de Qandil avec un millier de leurs combattants et qu’il est impossible de les arrêter». L’avant-veille Jalal Talabani déclarait au New York Times qu’il refuserait de livrer «même un chat kurde à la Turquie». Le changement de ton est patent ce qui incite Ankara à accentuer la menace. «L’option militaire reste sur la table», a affirmé le vice Premier ministre, Cemil Cicek.

Rétorsions. Le Conseil national de sécurité (MGK), qui regroupe les principaux responsables politiques et militaires, a annoncé hier des rétorsions économiques sur le Kurdistan irakien. La plus grande partie des biens importés par cette région de quatre millions d’habitants arrivent par la frontière turque, y compris l’essence raffinée en raison de la guerre. C’est aussi de Turquie qu’arrive l’essentiel de l’énergie électrique de la région autonome kurde qui, depuis 1991, échappe à la tutelle de Bagdad. Les deux partis qui y règnent sans partage – le PDK de Massoud Barzani, président du gouvernement régional et l’UPK de Talabani, le président irakien – y garantissent une paix relative, ainsi qu’une liberté d’expression unique dans la région, même si la corruption prospère. Les dirigeants kurdes irakiens savent avoir besoin de la protection américaine. Cette fois, Washington leur demande des gestes concrets contre le PKK.