SEMDINLI (Turquie), 11 nov 2005 (AFP) - 17h35 - Le gouvernement turc a promis vendredi de faire la lumière sur un attentat à la bombe dans la bourgade anatolienne de Semdinli, où la population, à majorité kurde, est en colère à la suite d'allégations d'une implication des forces de sécurité.
Près de 10.000 personnes se sont réunies dans cette petite ville, située aux confins de l'Iran et de l'Irak, pour assister aux funérailles d'un homme tué mercredi par l'explosion de la bombe dans une librairie appartenant, selon les médias, à un ancien rebelle kurde, et d'une personne abattue lors de heurts entre la police et des manifestants à la suite de l'attentat. "Etat assassin", "Etat terroriste", a scandé la foule, qui a aussi repris des slogans favorables aux rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Les forces de sécurité étaient en état d'alerte pour parer aux risques de troubles lors du retour des deux corps, envoyés pour autopsie à Diyarbakir, à 630 kilomètres à l'ouest, et de leur inhumation. Des habitants ont érigé des barricades dans plusieurs rues de la ville à l'aide de pylônes électriques pour empêcher le déploiement attendu de renforts de police en provenance de localités voisines. Des représentants locaux de partis politiques pro-kurdes ont appelé la population au calme A Hakkari, le chef-lieu de la province, cinq personnes dont un policier, ont été blessées dans des heurts avec la police qui a tiré en l'air et fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser une foule réunie devant la mairie pour protester contre les incidents de Semdinli, a rapporté l'agence de presse Anatolie. A Ankara, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a réaffirmé que les responsables de l'attentat seraient punis. "Personne ne doit s'attendre à une protection ou un traitement particulier", a-t-il déclaré. "Nous ne laisserons personne ouvrir la voie à une confrontation entre l'Etat et son peuple". Des députés et des journaux ont rapproché les événements de Semdinli d'un scandale survenu à la fin des années 1990, qui avait révélé des collusions entre les forces de sécurité combattant les séparatistes kurdes dans le sud-est anatolien, des chefs de clans locaux, des politiciens et la mafia. Des membres des forces de sécurité avaient également été accusés de se livrer à des exécutions extra-judiciaires, aux enlèvements et au trafic d'armes et de drogue. La Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Turquie à maintes reprises pour des violations des droits de l'Homme lors du conflit qui a opposé le gouvernement d'Ankara aux séparatistes du PKK et a fait quelque 37.000 morts entre 1984 et 1999. Les violences de Semdinli soulignent la montée des tensions dans le sud-est anatolien après une période de calme relatif consécutive à l'annonce par le PKK d'un cessez-le-feu unilatéral, maintenu de 1999 à 2004. Dans un entretien publié vendredi par le quotidien Vatan, le procureur de Semdinli, Harun Ayik, a confirmé qu'un individu placé en garde à vue après avoir échappé à un lynchage par la foule qui le soupçonnait d'avoir posé la bombe était un agent de renseignement de la gendarmerie. Le procureur a ajouté que deux sous-officiers de gendarmerie suspectés de participation à l'attentat étaient également interrogés par la police et qu'un troisième le serait pour avoir tiré en l'air durant les incidents. Il a précisé que les armes et les documents - un croquis de la librairie et une liste de noms, dont celui du libraire, selon la presse - trouvés dans la voiture avec laquelle les trois hommes sont soupçonnés d'avoir tenté de s'enfuir, ne suffisaient pas à établir leur culpabilité. M. Ayik n'a pas écarté la possibilité que l'attentat et les heurts qui ont suivi aient été orchestrés par le PKK pour discréditer les autorités. Une commission d'enquête parlementaire et des délégations de députés mises sur pied par les partis d'opposition devaient arriver prochainement à Semdinli.