En visite au Moyen-Orient, le vice-président américain Dick Cheney ménage Ankara et la région autonome du Kurdistan.
Dick Cheney a achevé sa tournée au Moyen-Orient par une visite en Turquie, lundi et mardi. À Ankara, le vice-président américain a assuré que son pays continuerait à fournir des renseignements à la Turquie pour l'aider à lutter contre le PKK, la guérilla kurde. Huit jours plus tôt, il effectuait une halte à Erbil, capitale de la région autonome du Kurdistan irakien, pour renouveler le soutien de la Maison-Blanche au gouvernement régional. Un calendrier, un mois après la fin de l'incursion de l'armée turque dans le nord de l'Irak, significatif du rééquilibrage diplomatique effectué par les Américains entre les Turcs et les Kurdes. Au détriment de ces derniers.
«Dick Cheney a transmis une invitation de George Bush à Massoud Barzani (président de la région kurde), se félicite Fouad Hussein, secrétaire général de la présidence. C'est un signal très important que les États-Unis nous adressent : les relations stratégiques entre les Kurdes et les Américains sont toujours très bonnes.» Cinq ans après la chute de Saddam Hussein, les Kurdes restent leurs plus précieux partenaires en Irak. Et sous l'ombrelle protectrice américaine, le gouvernement régional kurde a pu renforcer son indépendance par rapport au pouvoir central à Bagdad. La région kurde et Washington mènent actuellement des négociations pour construire une base militaire américaine dans le nord de l'Irak. Et en cas de retrait de leurs troupes, les États-Unis auront besoin de l'allié kurde. Mais le rapprochement entre Washington et Ankara vient rappeler la fragilité de l'État embryonnaire qu'est le Kurdistan : menacé au Nord par les militaires turcs et inquiété, au Sud, par un éventuel départ américain qui laisserait l'Irak aux rivalités entre factions sunnites et chiites.
En 2003, les parlementaires turcs avaient mis leur veto au passage des GI en Irak via la Turquie, inaugurant une période de tensions avec son allié au sein de l'Otan. Depuis l'automne dernier, un intense ballet diplomatique entre les deux capitales a conduit à refermer cette parenthèse. Dans la foulée, en février, un feu vert outre-Atlantique a été donné à l'offensive turque dans les montagnes du Kurdistan.«Nous comprenons l'importance de la Turquie pour les États-Unis, relativise Fouad Hussein. Nous avons tout à fait conscience de son rôle en Afghanistan ou en Asie centrale.»
Au-delà de cette compréhension de la nécessité de ménager Ankara,«les autorités kurdes savent bien que les Américains peuvent les abandonner, même si actuellement les Kurdes leur sont utiles, car ils participent à la stabilisation des forces irakiennes» , analyse un diplomate européen en Irak. En dernier ressort, les Kurdes comptent sur leurs sous-sols gorgés d'or noir pour conserver la protection de Washington.«Il est inimaginable que les États-Unis quittent l'Irak, car ils ont déjà fait beaucoup de sacrifices pour son pétrole, estime Ferhad Pirbal, un écrivain kurde. Et s'ils cherchent à résoudre le problème du PKK, c'est bien parce qu'ils ont aussi des intérêts au Kurdistan.»