Londres, 4 mars 1988
De droite à gauche: Ibrahim AHMED, Siyamend OTHMAN, Jalal TALABANI, Kendal NEZAN, Lutfi BAKSI
Nous apprenons avec une profonde tristesse le décès de Siyamend Othman le mardi 16 janvier 2024 à Londres à l’âge de 73 ans.
Il était né le 10 janvier 1951 à Erbil dans l’une des familles les plus anciennes de cette ville au passé multimillénaire. Son père Zaïd Othman fut député d’Erbil sous la monarchie et plus tard conseiller de politique étrangère du Général Mustafa Barzani, chef de la résistance kurde contre la dictature de Bagdad. Après la fin de cette résistance armée il s’était réfugié à Paris où il séjourna pendant quelques années prenant part aux activités de l’association France-Kurdistan, structure qui regroupait alors les défenseurs kurdes et français de la cause kurde. Patriote, il avait tenu à donner des noms kurdes à ses enfants dont celui de Siyamend, héros de l’une des plus belles histoires d’amour de la littérature orale kurde, Siyamend et Xecê (Khedjé).
Siyamend Othman est venu en France en 1975 où il a obtenu le statut de réfugié politique. Il a préparé et soutenu une thèse de doctorat intitulée « Contribution historique à l’étude du Parti Demokrat-î Kurdistan-î Iraq » à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS). Il a ensuite pris une part active dans la création de l’Institut kurde en février 1983. En 1984, il a fondé et dirigé la revue de sciences humaines de l’Institut kurde, Studia Kurdica. Cette revue paraissait en quatre langues : français, arabe, persan et turc afin d’informer et de sensibiliser les intellectuels et chercheurs du Moyen-Orient sur l’histoire, la culture et l’actualité kurdes. A l’Institut kurde, il était chargé des relations avec les intellectuels du monde arabe, y compris ceux de l’Irak dont certains plus tard ont occupé de hautes fonctions après la chute de Saddam Hussein.
En 1988, il a rejoint le secrétariat international d’Amnesty International à Londres. Devenu citoyen britannique en 1994, il a travaillé pendant quelques temps comme consultant indépendant des média et IT (Technologies d’information). En raison de ses compétences multiples et de sa maîtrise de plusieurs langues, dans l’Irak post Saddam il a été nommé en avril 2004, par l’administrateur américain Paul Bremer, chef de la Commission irakienne des Communications et des Media, chargée d’assurer le pluralisme des media et de réguler la concurrence dans les télécommunications. Il a eu à créer ex-nihilo cette commission, à la doter d’une charte des règles assurant son indépendance, à donner des licences aux radios et chaînes de télévision ainsi qu’aux opérateurs téléphoniques. Fonction avec rang de ministre qu’il a occupée jusqu’en 2008. Depuis, il vivait en retrait entre Chypre et Londres avec de temps à autre des visites à Paris où il avait gardé de nombreux amis, notamment ceux de l’Institut kurde dont il suivait de près les activités.
Soigné depuis plusieurs mois à Londres, il s’y est éteint paisiblement le mardi 16 janvier, tôt dans la matinée, entouré de ses proches, notamment de sa femme Hania et de son fils Alan.
Personnalité attachante, dotée d’une vive intelligence et d’un sens de fidélité en amitié, Siyamend Othman laisse le souvenir d’un homme engagé, chaleureux, bon vivant, fidèle en amitié qui alliait si bien la tradition, notamment culinaire, venant du fond des âges avec une curiosité de la modernité, de ses inventions et innovations incessantes.
Ses obsèques auront lieu le mardi 23 janvier à Londres, dans la stricte intimité familiale.