BAGDAD, 4 fév (AFP) - Le dirigeant kurde Jalal Talabani a ouvertement brigué le pouvoir en Irak en réclamant le poste de président ou de Premier ministre, au terme d'un parcours politique sinueux commencé dans l'ombre du père du nationalisme kurde Mollah Moustapha Barzani.
M. Talabani, appelé "Mam Jalal", ce qui signifie "Oncle Jalal" en kurde, est un farouche nationaliste, qui a lancé une croisade de plusieurs décennies pour les droits de son peuple.Je suis le candidat de la liste démocratique kurde à l'un des deux postes de souveraineté (président ou Premier ministre), a-t-il déclaré jeudi après une réunion avec Massoud Barzani, son ancien rival devenu son allié.
L'annonce a de quoi froisser les sunnites en conflit avec les Kurdes depuis 1961, lorsque Mollah Moustapha Barzani, père de Massoud, s'est révolté contre le gouvernement de Bagdad pour réclamer l'autonomie du nord de l'Irak.
M. Talabani est un géant corpulent qui a toujours brillamment obtenu ce qu'il voulait. Homme de passion et de conviction, il a toujours fait ce qu'il croyait être juste, même s'il a dû perdre des alliés en route.
Né en 1933, il est venu au nationalisme par admiration des faits d'armes de Mollah Moustapha Barzani, chef de guerre et leader politique kurde.
Le jeune Talabani rejoint le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), dirigé aujourd'hui par Massoud Barzani et lui reste fidèle jusqu'en 1964. Il fera partie ensuite d'une dissidence qui débouchera sur une longue lutte intestine entre Kurdes d'Irak.
Il s'enfuit en Iran après s'être opposé à une décision de Massoud Barzani de cesser les combats contre les troupes du gouvernement irakien. Puis après la défaite de la rébellion kurde en 1975, il fonde sa propre formation, l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), consommant ainsi la séparation avec M. Barzani.
L'UPK, aux idées socialistes, devient populaire dans les milieux urbains.
Les deux mouvements rivaux ont dominé l'histoire kurde pendant les quatre dernières décennies, une histoire marquée par des exactions comme celles de la campagne d'Anfal lancée en 1988 par Saddam Hussein, consistant à raser des villages entiers ou le gazage, la même année, de milliers de Kurdes à Halabja.
Sous l'ancien régime, les terres de dizaines de milliers de Kurdes ont été spoliées et leurs propriétaires expulsés de la ville pétrolifère de Kirkouk et de villages des provinces de Ninive, Diyala et Salaheddine, au nord de Bagdad.
Aujourd'hui, M. Talabani et Barzani réclament Kirkouk comme capitale de la région autonome kurde. Cette position a créé une onde de choc dans la Turquie voisine qui a mis en garde contre une domination kurde de Kirkouk.
Avant la fin de l'ancien régime en avril 2003, les Kurdes ont joui de douze années d'autonomie dans leur enclave située dans la zone d'exclusion aérienne imposée par les Américains et les Britanniques dans le nord de l'Irak.
Après, les deux dirigeants kurdes ont enterré la hache de guerre pour tenter de sauvegarder ce bien durement acquis. La province de Souleimaniyah, contrôlée par l'UPK, et celles de Dohouk et Erbil, contrôlées par le PDK, continuent à s'auto-administrer.
Le PDK et l'UPK n'appellent pas à l'indépendance mais ont obtenu un statut fédéral pour l'Irak, reconnu dans la constitution provisoire de mars 2004.
En 1993, ils se sont affrontés pour le contrôle de la route servant à l'acheminement du pétrole vers la Turquie. Les combats se sont poursuivis jusqu'en 1996, lorsqu'un cessez-le-feu a été négocié sous les auspices des Etats-Unis.
Un traité officiel a été signé en 1998, mais le véritable rapprochement entre les deux partis n'a été scellé qu'en 2002, lorsque les deux dirigeants ont réalisé que le président américain George W. Bush pouvait mettre leur autonomie en danger après sa décision de renverser Saddam Hussein.