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Le Kurdistan est-il sorti du XXe siècle ? Hamit Bozarslan, spécialiste de la question kurde en France, en doute. D'après ce directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), les Kurdes ne sortent pas de leur vieille contradiction : la question du Kurdistan, à cheval sur quatre Etats (Syrie, Turquie, Irak et Iran), reste une question périphérique au Moyen-Orient, tout en étant incontournable quant à l'adaptation de la région à la mondialisation.
Docteur en science politique, spécialiste de la violence politique, Hamit Bozarslan tente d'ouvrir avec pédagogie et conviction de nouvelles pistes pour trouver des issues à cette cause si complexe et en pleine révolution depuis la guerre en Irak et l'ouverture des négociations entre la Turquie et l'Union européenne.
En effet, jamais le problème n'avait autant occupé le devant de la scène internationale que depuis l'irruption de ces deux dynamiques, l'une meurtrière, l'autre pacifique. Au point que l'accélération du développement politique kurde semble à l'ordre du jour, notamment dans sa sphère irakienne. Pour Hamit Bozarslan, deux options se présentent pour le Kurdistan : soit le contingent américain se maintient durablement en Irak et risque de transformer le Kurdistan en "second Israël" ; soit le retrait américain est complet et compromet l'exception kurde irakienne contre les puissances turque et iranienne, contrariées par la proximité de ce "presque Etat kurde" en Irak.
L'auteur croit en la complémentarité des imaginaires politiques, pour peu que les Etats dérangés par la question kurde optent en faveur d'une démocratisation des systèmes et des mentalités en échange d'une déradicalisation de l'espace kurde. Mais ce spécialiste n'en est pas moins réaliste : l'environnement géopolitique est dangereux, le modèle de l'Etat-nation reste hégémonique et le nationalisme kurde demeure incapable de surmonter le poids des traditions, son clanisme et la violence endémique.
Et pourtant, conclut Hamit Bozarslan, la question kurde, parent pauvre de la vieille question d'Orient, n'a pas d'autre choix que de s'ouvrir sur le monde et inviter ses "Etats-surveillants" à en faire autant, suffisamment pour secouer leurs mentalités, sans aller trop loin toutefois pour ne pas menacer leur intégrité. Un savant dosage à concocter dans cet espace à mi-chemin entre les civilisations arabe, turque, perse et... kurde.
Source: Lemonde.fr | Gaïdz Minassian