Le Kurdistan menace de faire sécession si l'Irak garde le "drapeau de Saddam"

Compte rendu
7 septembre 2006 - 5h04

Les querelles politiques autour du drapeau irakien ont donné le ton. C'est dans un climat de discorde que s'est ouverte, mardi 5 septembre à Bagdad, une session parlementaire, pour la première fois consacrée au sujet controversé du fédéralisme.

 
AP/YAHYA AHMED
Le chef de la région du Kurdistan, Massoud Barzani, lors de son discours au Parlement kurde à Irbil, le 3 septembre 2006.
La question de l'autonomie du Kurdistan, d'autant plus sensible qu'elle touche à la répartition des ressources pétrolières de l'Irak, est revenue au premier plan avec la menace du chef de la région du Kurdistan, Massoud Barzani, de faire sécession si le premier ministre, Nouri Al-Maliki, décidait d'imposer l'actuel drapeau irakien. "Si, à un moment précis, nous, le peuple kurde, considérons qu'il est de notre intérêt de proclamer l'indépendance, nous le ferons et nous ne craindrons personne", a déclaré, dimanche, M. Barzani. Il répondait à un communiqué de M. Maliki stipulant que "le drapeau irakien est le seul drapeau qui doit être hissé sur chaque centimètre de terre irakienne".

La dispute, d'apparence symbolique, illustre les divisions profondes de la société irakienne. Elle touche également au coeur des revendications kurdes. Malgré plusieurs référendums non officiels, suggérant qu'une écrasante majorité de Kurdes souhaitent l'indépendance, les responsables kurdes ont accepté, dès les élections générales du 30 janvier 2005, de se rallier au "nouvel Irak", à condition que celui-ci soit "fédéral" et que soient éliminés les symboles de l'ancienne dictature, notamment son drapeau.

La Constitution, adoptée en octobre 2005, a affirmé le caractère fédéral de l'Irak - avec le soutien de la majorité chiite - et prévoit l'adoption d'un nouvel emblème national. Mais, jusqu'à présent, le Parlement a échoué à trouver un consensus sur ces questions. La notion de fédéralisme est rejetée, notamment par les Arabes sunnites, qui voient dans ce projet les prémices de l'éclatement du pays et la perte, pour leur communauté, des ressources pétrolières, concentrées dans le Nord contrôlé par les Kurdes et, dans le Sud, par les chiites.

Plus de trois ans après l'invasion américaine et la chute de Saddam Hussein, l'Irak est la proie de violences intercommunautaires qui ont fait plusieurs milliers de morts. Abrité dans les montagnes du Nord, seul le Kurdistan a été épargné. Mais la plupart de ses demandes n'ont pas abouti. Le statut de la ville pétrolifère de Kirkouk, revendiquée par les Kurdes, reste l'objet d'âpres débats. Elle a été à plusieurs reprises le théâtre d'attentats meurtriers.

NATIONALISME EXACERBÉ

C'est dans un contexte de nationalisme kurde, exacerbé par le procès de Saddam Hussein, actuellement jugé pour génocide dans l'affaire des campagnes militaires d'"Anfal" au Kurdistan, que Massoud Barzani a décidé de hausser le ton. Et d'ordonner, le 28 août, que "tous les édifices publics (du Kurdistan) arborant le drapeau baasiste l'ôtent et le remplacent par le drapeau kurde".

Le président irakien, le Kurde Jalal Talabani, s'est voulu rassurant. "Il n'y a aucune idée d'un Kurdistan séparé de l'Irak, a-t-il affirmé mardi : nous ne sommes pas pour le séparatisme." Mais en promettant un nouvel étendard et en définissant l'actuel comme "le drapeau de Saddam, sous lequel beaucoup de crimes ont été commis dans le nord et dans le sud du pays", il a ravivé la méfiance. "Quand nous avons élu (M. Talabani), il a prêté serment devant le drapeau irakien et a juré de protéger la souveraineté du pays", a tempêté le député sunnite Salah Motlaq, qui a dénoncé une "violation du caractère sacré de la Constitution irakienne".


Cécile Hennion
Article paru dans l'édition du 08.09.06