Brandissant le drapeau du Rojava, des kurdes manifestent dans les rues de Kobané en octobre 2015 pour la libération d’Abdullah Öcalan, fondateur et dirigeant du Parti des travailleurs du Kurdistan, qui est incarcéré en Turquie depuis 1999.O. Goujon/Le Pictorium
Un camp d'entraînement des YPG à Ras al-Aïn. Plusieurs centaines de volontaires étrangers combattent au sein de cette armée qui constitue l'ossature des Forces démocratiques syriennes. Photo Rodi Said/ Reuters
Alliés de la coalition internationale contre l’État islamique, les Kurdes de Syrie rêvaient de faire émerger un pays au Rojava, dans le Nord. Lâchés par les Occidentaux, ils luttent désormais pour garder le contrôle de leurs fiefs. Photo: Chris Huby / Le Pictorium / MAXPPP
PORTE-PAROLE DES YPG : On ne veut pas diviser la Syrie, mais nous avons un projet fédéral, que nous sommes prêts à discuter. Twitter
Lefigaro.fr | Par Adrien Jaulmes envoyé spécial au Rojava
Alliés de la coalition internationale contre l’État islamique, les Kurdes de Syrie rêvaient de faire émerger un pays au Rojava, dans le Nord. Lâchés par les Occidentaux, ils luttent désormais pour garder le contrôle de leurs fiefs.
PROCHE-ORIENT Le Rojava est dépourvu de littoral, mais l’on y accède par bateau. À la frontière entre le Kurdistan d’Irak et la Syrie, un bac sur le Tigre est la seule entrée officielle vers ce pays qui n’existe pas. Au bout d’un embarcadère de ciment, un bateau à fond plat est amarré dans les eaux brunes du fleuve grossi par la fonte des neiges. Une fois les passagers à bord, l’embarcation se déhale et le pilote met les gaz de son gros moteur hors-bord pour lutter contre le courant puissant. Parvenu sur l’autre rive, il donne un dernier coup d’accélérateur pour faire monter l’avant de son bateau sur la grève de galets.
Légalement, les passagers débarquent en territoire syrien. Mais le papier qui est inséré dans leur passeport par le petit poste frontalier est tamponné au nom d’une « Fédération de la Syrie du Nord ». Les habitants l’appellent plutôt Rojava, le Kurdistan de l’Ouest. On cherchera en vain ces appellations sur une carte politique du Moyen-Orient. Depuis quatre ans, cette entité exerce pourtant mieux que beaucoup d’États de la région ses fonctions régaliennes. Et surtout, il règne au Rojava une paix presque irréelle, comme dans l’œil du cyclone de la guerre de Syrie.
Le Rojava émerge à la faveur du chaos syrien
La région qui s’étend sur la rive droite du Tigre est plate comme un tapis et paisible comme un tableau. À l’horizon, des pompes à pétrole à balancier hochent la tête comme des animaux géants et des lignes électriques alignent leurs pylônes dans le lointain. Dans les prairies paissent des troupeaux de moutons à la queue grasse, et des tracteurs labourent les champs entre des maisons à toit plat. À chaque village, des miliciens en uniforme vérifient les documents des véhicules. Ce sont parfois des miliciennes, cheveux lâchés ou noués sous un foulard coloré, la kalachnikov à l’épaule. Les drapeaux qui flottent un peu partout sont ceux de ces Unités de protection populaire kurdes, les YPG, et de leur branche féminine, les YPJ. À côté figurent souvent les portraits des martyrs, tombés dans les combats qui ont permis aux Kurdes de Syrie de prendre le contrôle de leur destin.
Car le Rojava est né à la faveur de la guerre civile syrienne. Comme les Kurdes irakiens avaient profité de la défaite de Saddam Hussein en 1991 pour se tailler une zone autonome, les Kurdes syriens ont saisi l’occasion du soulèvement général contre Bachar el-Assad pour s’affranchir de la tutelle de Damas. En 2012, alors que la révolte gagne la plupart des provinces, le régime syrien débordé décide de concentrer ses forces dans l’ouest, où sont situées les plus grandes villes et la majorité de la population. À part quelques garnisons et aéroports, le reste du pays est abandonné aux rebelles, regroupés à l’époque sous l’appellation d’Armée syrienne libre.
Les Kurdes, nombreux dans le nord-est de la Syrie, voient d’abord avec une certaine sympathie les insurgés. Traités comme des citoyens de seconde catégorie par le régime baasiste, ils n’éprouvent ni affection ni loyauté à l’égard des autorités de Damas. Mais les insurgés se révèlent vite pires que le régime, se conduisant comme en pays conquis, et se livrant au racket et au pillage.
Pour protéger la population, le principal parti Kurde, le PYD, organise la défense au niveau local. Le premier accrochage sérieux entre les YPG et les rebelles a lieu en novembre 2012 à Sere Kanie (Ras al-Aïn en Arabe), une petite ville kurde sur la frontière turque. Les rebelles, parmi lesquels des djihadistes de Jabhat al-Nosra, la branche syrienne d’al-Qaida, ont chassé les forces gouvernementales de la ville et se livrent à des exactions contre la population kurde. Avec l’aide de combattants du PKK (le Parti des travailleurs du Kurdistan), organisation séparatiste kurde de Turquie venue en renfort de leurs cousins syriens, les YPG chassent les rebelles et prennent le contrôle de Sere Kanie. La formation du Rojava a commencé.
Depuis le canton d’Afrine, à l’ouest de l’Euphrate jusqu’à la frontière irakienne sur le Tigre, les drapeaux kurdes des YPG flottent sur les villes et les villages. En novembre 2013, le PYD annonce la création de trois cantons autonomes, Jazira, Kobané et Afrine. Leur union devient la Fédération de Syrie du Nord. Ou bien Rojava, le pays de l’Ouest.
Le statut de cette entité est incertain. « Nous ne sommes pas un État et ne voulons pas l’être », dit Siham Qario, qui occupe le poste de vice-ministre des Affaires extérieures de la région de Jazira, et a fait partie de la délégation du Rojava reçue à Paris par le président Macron en avril dernier. « Nous avons seulement établi des administrations et une protection après que le gouvernement a cessé d’assurer le moindre service et de protéger la population. Nous avons construit nos propres institutions, et nous gouvernons de manière autonome nos régions. Mais nous coexistons avec les institutions syriennes : les banques et la monnaie dépendent encore de Damas, les réseaux téléphoniques et la délivrance des passeports et des pièces d’identité aussi », dit cette chrétienne syriaque, dont la famille s’est installée à Kamechliyé à l’époque du mandat français après avoir fui les persécutions ottomane lors du génocide de 1915.
Cette présence du régime est visible à quelques centaines de mètres de son bureau flambant neuf. Dans le centre de Kamechliyé, une statue de stuc blanc de Hafez el-Assad salue de son bras tendu au milieu d’un carrefour. Tout autour, la place est décorée de grands portraits de son fils Bachar, lunettes noires et uniforme camouflé, avec de grands drapeaux syriens, et des soldats du régime montent une garde symbolique. L’aéroport de Kamechliyé est aussi tenu par le gouvernement, et des vols réguliers relient la ville à Damas. « On ne veut pas diviser la Syrie, mais nous avons un projet fédéral, que nous sommes prêts à discuter », dit Nouri Mahmoud, porte-parole des YPG. « La présence des forces gouvernementales à Kamechliyé et Hassaké font partie de cet accord. »
Le Rojava se heurte vite à une autre entité para-étatique, qui a elle aussi profité de l’effondrement de l’État syrien : l’État islamique, proclamé en juin 2014, après s’être emparé de Mossoul et d’un tiers de l’Irak. En Syrie, il établit sa capitale syrienne à Raqqa, sur l’Euphrate, et entreprend d’étendre son territoire vers le nord, convoitant les postes frontières avec la Turquie, par où peuvent transiter marchandises, armes et combattants.
Précédés d’une réputation de terreur et d’invincibilité, les djihadistes attaquent en septembre 2014 la ville kurde de Kobané. Acculés, les combattants des YPG résistent avec l’énergie du désespoir, dos à la frontière turque. Leur salut vient d’un allié imprévu : les États-Unis, d’abord réticents à intervenir en Syrie, viennent d’entrer en guerre contre l’État islamique, et l’aviation américaine appuie massivement les YPG, qui reprennent la ville.
Quatre ans plus tard, Kobané a été en partie reconstruite, mais les ruines qui ont été conservées dans un quartier en guise de témoignage rappellent la violence inouïe des combats. Pour les Kurdes, cette première victoire contre l’État islamique est devenue un symbole. Un mausolée en forme de soucoupe volante abrite les portraits des combattants tombés dans la bataille, et à un carrefour, entouré par deux chars pris à l’ennemi, se dresse une statue d’Arin Mirkan, combattante kurde des YPJ qui s’est sacrifiée pendant les combats contre Daech.
À Kobané, les Américains qui désespéraient de trouver des alliés fiables pour combattre au sol l’État islamique, découvrent dans ces miliciens marxistes-léninistes des combattants motivés et organisés. Afin de ne pas apparaître comme un mouvement purement kurde, les YPG s’allient avec des tribus arabes, et intègrent des chrétiens assyriens pour former les Forces démocratiques syriennes, les FDS.
Les Américains et les Occidentaux font du Rojava leur tête de pont dans la guerre contre Daech. Des pistes d’aviation et des bases sont construites sur tout le territoire, et les convois militaires américains sillonnent les routes. De mieux en mieux équipées et entraînées, les FDS sont les principales forces terrestres de la coalition contre Daech. Après avoir atteint l’Euphrate en 2016, elles s’emparent en octobre 2017 de Raqqa, la capitale du califat. Les forces de l’État islamique sont acculées dans le sud-est de la Syrie, dans la région de Deir ez-Zor.
Le territoire du Rojava atteint alors son apogée. Il couvre 25 % du territoire syrien. 2,5 millions de personnes y vivent, plus du double en contant les déplacés intérieurs. Sauf dans les cantons de Jazira et d’Afrine, et dans Kobané et ses environs, les Kurdes ne représentent qu’un peu plus de la moitié de la population. Mais la principale singularité du Rojava tient au curieux système socio-politique instauré dans les territoires libérés, mélange de marxisme-léninisme et de libertarisme. Les portraits géants de son inspirateur sont affichés à l’entrée de toutes les villes : Abdullah Öcalan, fondateur du PKK, mouvement kurde de Turquie considéré comme une organisation terroriste par Ankara (et par bon nombre de pays occidentaux) est célébré comme un héros au Rojava. Surnommé « Apo », ou encore « Serok Apo » (le chef Apo), il croupit depuis deux décennies dans une île-prison turque sur la mer de Marmara, mais ses idées sont mises en œuvre avec ferveur.
L’ancien chef de guérilla marxiste-léniniste est devenu en captivité un penseur politique. Inspiré par les travaux du radical américain Murray Bookchin, Öcalan a adopté en 2005 son concept de « municipalisme libertaire », et l’a adapté au cas kurde. Son projet vise à dépasser le concept d’État-nation, dont l’introduction au Moyen-Orient au début du XXe siècle a écartelé les Kurdes entre quatre pays (Turquie, Syrie, Irak et Iran), en introduisant un gouvernement d’assemblées locales. Anticapitaliste, écologiste, décentralisée et prônant les circuits courts et l’autonomie agraire, cette utopie (qui trouverait sans doute des échos chez les mouvements « décroissants » occidentaux), doit aboutir à la création d’une société démocratique et écologiquement responsable dans le cadre d’un État fédéral.
Ce municipalisme libertaire est appliqué, au moins nominalement au Rojava. La population est organisée en « communes » (komun en kurde) d’environ 150 foyers. Les communes sont regroupées en municipalités, elles-mêmes formant des cantons, qui disposent chacun de son conseil législatif et de son conseil exécutif. Tous les postes de responsabilités sont occupés conjointement par un homme et une femme. Heval, « camarade », est le terme par lequel on s’adresse les uns aux autres, et aussi les unes aux autres, tant les femmes sont présentes partout dans l’espace public. Kurdes et Arabes, chrétiens et musulmans sont représentés dans ces conseils. Même si la réalité n’est pas toujours conforme à la théorie, et si règne parfois dans les faits un centralisme pas forcément toujours démocratique, ces idées restent étonnantes dans une région généralement déchirée par le sectarisme et la violence religieuse.
«Le Rojava peut servir de modèle à imiter », dit Nouri Mahmoud. « C’est une expérience dans laquelle Kurdes, Arabes, chrétiens, vivent dans un système démocratique, en paix et en sécurité. Damas n’a jamais réussi à protéger la population civile comme nous l’avons fait à Kamechliyé. Le Rojava est la seule région de Syrie où la population a augmenté. C’est déjà un signe important. »
Mais cette construction reste fragile. L’expérience du Rojava est née dans l’environnement hautement volatil de la guerre de Syrie. Les circonstances qui ont permis son apparition sont en train de changer, et cette fois de façon plutôt défavorable aux Kurdes syriens. Alors que les Occidentaux, alliés de circonstances du Rojava, voient leur intérêt pour le Rojava décroître avec la quasi-défaite de l’État islamique, le régime de Damas, qui est en passe de terminer la reconquête de l’ouest du pays, ne cache pas son intention de reprendre le contrôle de l’ensemble de son territoire. Mais la principale menace reste la Turquie. Pour Ankara, qui a toujours été plus préoccupé par la question kurde que par la menace des djihadistes sunnites, l’existence même du Rojava, territoire pouvant servir de base arrière ou même d’exemple à sa minorité kurde, reste une perspective insupportable
La principale malédiction du Rojava est la géographie. Les Kurdes de Syrie n’ont même pas de montagnes dans lesquelles se réfugier comme leurs cousins d’Irak : dépourvu de la moindre barrière naturelle, leur territoire est quasiment indéfendable. Pire, les principales villes du Rojava, Kamechliyé, Hamoudeh, Sere Kanie, Kobané, sont collées à la frontière turque, le long de laquelle Ankara a construit un long mur.
La Turquie a commencé ses opérations contre le Rojava à l’été 2016. Erdogan, qui vient alors de réchapper de justesse à une tentative de coup d’État militaire, lance l’opération « Bouclier de l’Euphrate » pour empêcher la jonction imminente du canton d’Afrine avec Kobané et la Jazira. L’armée turque pénètre en territoire syrien et s’empare de Djarabulus, sur le haut Euphrate, où elle se trouve toujours.
En janvier 2018, la Turquie passe cette fois directement à l’offensive, contre le canton d’Afrine, où les Kurdes sont largement majoritaires. Avec l’accord tacite de la Russie, qui laisse l’aviation turque opérer en territoire syrien, accompagnée par des auxiliaires arabes, souvent djihadistes, l’armée turque chasse les YPG d’Afrine, précipitant l’exode de la population kurde, alors que la ville est livrée au pillage.
La défaite est cuisante pour les YPG, et l’absence de réaction des Occidentaux inquiète les Kurdes quant à la fiabilité de leurs alliés. « Aucun gouvernement occidental n’a réagi », dit Mizkeen Ahmad, conseillère de l’Administration du Rojava, elle-même originaire d’Afrine. « Notre histoire nous a appris à ne pas compter sur autrui, mais ce qui s’est passé est très injuste : alors que nous avons versé notre sang pour vaincre Daech et protégé ainsi l’Europe, nous nous retrouvons seuls quand les Turcs nous attaquent. Si l’Occident continue ainsi, peut-être que nous allons un jour en avoir assez de garder nos prisonniers de Daech : si chaque pays ne pense qu’à son intérêt, pourquoi pas nous ? »
Après la prise d’Afrine, les forces spéciales américaines et françaises ont finalement réagi, et pris ostensiblement position devant Manbij, la grande ville arabe contrôlée par les FDS à l’ouest de l’Euphrate, empêchant ainsi la Turquie d’avancer vers le sud. Mais l’équilibre reste précaire. Et l’intervention turque a interrompu les opérations contre Daech. « Dans le sud, nous continuons à faire face à Daech, mais nous avons dû suspendre notre offensive à Deir ez-Zor pour protéger Afrine et le front nord », dit Nouri Mahmoud.
«Aujourd’hui, les habitants du Rojava ont l’impression d’être au bord du précipice. Nous espérons que les Occidentaux n’ont pas oublié que nous nous sommes battus pour eux contre Daech, et qu’ils ne céderont pas au chantage d’Erdogan. »
FORTES de quelques milliers d’hommes (les femmes combattent aussi mais dans les rangs de la formation féminine, les YPJ), les YPG sont l’ossature des Forces démocratiques syriennes, qui ont été les principales troupes au sol dans l’offensive contre Daech.
Dans leurs rangs combattent plusieurs centaines de volontaires étrangers. Dans les vertes collines de la Jazira, un camp d’entraînement accueille ces volontaires internationaux. « On leur donne deux semaines d’instruction politique », dit Sinan, l’un des responsables kurdes de cette « académie ».
« Les volontaires apprennent les raisons pour lesquelles nous nous battons, et aussi le contexte régional. Ils reçoivent ensuite une instruction militaire de base avant d’être envoyés dans des unités combattantes », explique-t-il. « Nous leur inculquons des valeurs de tolérance et de respect de la diversité. Nous avons reçu plus de 500 volontaires depuis le début ; c’est moins que Daech, mais ce n’est pas négligeable. Trente-huit sont tombés en martyrs, originaires de 15 différentes nationalités », dit-il en montrant au mur de la petite pièce les portraits des étrangers tués au combat. « Voici Kendal Breizh, un Breton, qui est tombé à Afrine face à l’armée turque. »
De son véritable nom Olivier Le Clainche, ce volontaire français de 40 ans avait rejoint les YPG. Un autre, « Sehid Gabar Légionnaire », tué à Raqqa, était un ancien de la Légion étrangère.
Car ces « brigades internationales » kurdes attirent des individus variés, soldats de fortune à la recherche d’une cause, mais aussi des intellectuels, qui, comme George Orwell pendant la guerre d’Espagne, considèrent qu’il est du devoir d’un penseur de se battre pour ses idées.
A. appartient à la deuxième catégorie. Ce jeune Américain blond de 23 ans, était étudiant en philosophie dans une université prestigieuse de la côte Est des États-Unis.
« J’ai rejoint les YPG pour des raisons idéologiques, » dit-il. « J’ai étudié Marx et Foucault, avant de m’intéresser à l’œuvre de Murray Bookchin, et par lui, aux écrits d’Abdullah Öcalan. J’ai découvert que ses idées avaient été mises en application ici. Or, depuis la Grèce antique, beaucoup de gens ont abandonné l’idée qu’il existe un lien entre la philosophie et le combat, entre la pensée et l’action. Je pense que les idées perdent de leur valeur si l’on n’est pas prêt à les défendre. J’ai pris contact avec les YPG sur Internet et suis arrivé l’été dernier. »
Après ses classes, A. est envoyé sur le front de Raqqa, où la bataille pour la capitale de Daech fait rage pendant de longs mois. Le jeune soldat-philosophe ne cherche pas à se mettre en avant. « Mon unité n’était pas dans un secteur très exposé. Mais j’ai appris l’importance de la camaraderie au front, et la responsabilité mutuelle qui existe entre les heval (“camarades”, en kurde). »
Après la prise de Raqqa, A. est envoyé sur le front de Deir ez-Zor, le dernier réduit encore tenu par Daech, à la frontière syro-irakienne. Là, les combats sont plus intenses. Quand l’offensive est suspendue, en raison de l’attaque turque sur Afrine en janvier dernier, A. décide de prendre congé des YPG.
« J’ai beaucoup appris pendant cette année », dit-il.
« Notamment des discussions entre volontaires. Entre des militants de gauche comme moi et des anciens soldats, il n’y avait souvent pas beaucoup de points communs, mais nous avons tous appris à dépasser nos a priori les uns sur les autres. L’autre grande leçon a été la défaite de Daech. Ce n’est pas par hasard que cette nouvelle forme de fascisme représentée par l’idéologie islamiste a été vaincue par un autre type d’idéal internationaliste, celui de la révolution du Rojava. » A. J. (au Rojava)