Le Lion du Kurdistan veut ajouter Zarqaoui à son tableau de chasse

SOULEIMANIYAH (Irak), 25 mai (AFP) - 10h16 - Kousrat Rassoul Ali, le "Lion du Kurdistan", voudrait ajouter l'islamiste jordanien Abou Moussab Zarqaoui à son tableau de chasse après avoir été à l'origine de l'arrestation, en décembre 2003, de Saddam Hussein.Nous participons activement aux recherches pour retrouver Zarqaoui car il représente un danger pour la démocratie, affirme le chef incontesté des peshmergas (combattants) de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK de Jalal Talabani), avant l'annonce de la blessure de l'homme le plus recherché d'Irak.

Sa modeste demeure au centre de Souleimaniyah, dans le Kurdistan irakien, est protégée par blocs de béton et des dizaines d'hommes en armes. Pour les jihadistes, il est l'homme à abattre car il en a arrêté plusieurs, notamment des membres d'Ansar al-Islam, fondé à l'origine par des islamistes kurdes.

"Nos réseaux de renseignements sont composés de Kurdes, mais aussi d'Arabes, de Turcomans et d'Assyriens. Nous avons été impliqués dans les opérations qui ont conduit à l'arrestation de terroristes du groupe Zarqaoui à Bagdad, Tikrit, Mossoul et Kirkouk", explique ce lutteur légendaire âgé de 53 ans.

"Zarqaoui est affaibli, c'est vrai, les Américains ont été à deux doigts de l'arrêter, il y a deux mois, du côté de Ramadi, à l'ouest de Bagdad, mais sa capacité de nuire est encore grande", souligne cet homme aux yeux et cheveux très noirs et au teint basané, qui est né à Erbil et a rejoint la guérilla à 23 ans après avoir étudié l'agriculture en Bulgarie.

Lors de la scission au sein du Parti démocratique du Kurdistansurvenue en juin 1975, il a suivi Jalal Talabani et est devenu responsable de l'UPK à Erbil avant d'être atrocement torturé pendant six mois en 1977 par les services secrets de Saddam Hussein.

"Ils m'écrasaient des cigarettes près des yeux et m'ont maintenu 27 jours les mains derrière le dos, attaché à une corde, pour que je leur donne mon réseau", dit-il. En vain. Il sera libéré au bout de six mois mais sa vision en a gardé des séquelles.

Criblé d'éclats d'obus en 1986 et touché au visage en 1997, il souffre encore et demeure partiellement handicapé du bras gauche.

Dès la chute de Saddam Hussein, "qui a été le plus beau jour de ma vie", affirme-t-il, il forme des unités chargées de retrouver les dignitaires de l'ancien régime. Ses hommes réussissent à mettre la main le 19 août 2003 sur Taha Yassine Ramadan, l'ancien vice-président, qui se terrait à Mossoul.

Selon un de ses proches, Kousrat voulait le ramener au Kurdistan pour qu'il y soit jugé, mais M. Talabani lui a ordonné de le remettre aux Américains.

Son autre grand succès: la capture de Saddam Hussein. "Nous avons réussi à localiser à Tikrit un garde du corps apparenté à Saddam Hussein. J'ai transmis le tuyau aux Américains. C'est lui qui les a conduits jusqu'au trou où le dictateur se cachait", raconte-t-il.

"C'est un lâche. Il était armé et pourtant il ne s'est même pas battu. En tout cas, je suis heureux que ses deux fils soient morts avant son arrestation: il a ainsi vécu la douleur d'un père", ajoute-t-il.

Oudaï et Qoussaï ont été tués le 22 juillet 2003 par les forces américaines à Mossoul.

Ce chef kurde, qui a participé avec bravoure à tous les combats de l'UPK, garde une meurtrissure plus profonde que les blessures physiques: la perte de deux de ses fils, de 8 et 9 ans, tués en 1986 dans un bombardement de l'aviation de Saddam Hussein.

Aujourd'hui, cet ancien Premier ministre du gouvernement autonome, reconnaît que la traque des affidés de Saddam Hussein se poursuit avec "moins d'ardeur". Il est convaincu que l'ancien numéro 2 du régime, Ezzat Ibrahim, est toujours vivant et se cache au nord de Bagdad.

"Nous avons obtenu à plusieurs reprises des informations sur sa localisation mais elles sont arrivées trop tard pour que l'on puisse l'attraper", dit-il aujourd'hui savourant sa victoire.

Il est convaincu que la dictature appartient au passé et qu'un nouvel Irak fédéral va naître. Quant à l'indépendance, bien sûr qu'il en rêve, mais, conclut-il, "ma génération ne la verra pas".