De taille moyenne, cet officier supérieur, diplômé l'an dernier de l'académie militaire australienne, est le neveu de l'actuel président irakien, mais il a combattu dans les rangs de la formation rivale, le Parti démocratique du Kurdistan de Massoud Barzani.
"Une armée pour défendre le pays, pas pour en envahir d'autres. Une armée de petite taille mais de qualité, alliée avec des pays puissants. Car lorsque nous aurons remporté la guerre contre le terrorisme, c'est d'ouvriers, pas de soldats dont nous aurons besoin", espère-t-il, s'exprimant dans un anglais courant.
Il commande plus de 3.000 hommes, les "lions du désert", et son terrain de chasse est la province rebelle de Diyala, qui compte près de 1,8 million d'habitants - à près de 400 km d'Erbil, sa ville natale dans le Kurdistan.
"Je suis un kurde Irakien, mais les Kurdes sont trop peu nombreux et entourés par des pays puissants. Nous sommes plus forts au sein de l'Irak", dit-il en montrant l'autocollant proclamant en arabe "j'aime l'Irak", sur l'armoire de son bureau, qui lui sert aussi de chambre.
Marié et père d'un petit garçon, le colonel Talabani affiche un mépris de la mort, alors que l'armée irakienne est la cible d'attaques quotidiennes, notamment dans son secteur.
"Nous sommes prêts à mourir. Mais ils ne nous arrêterons pas ainsi. Si je suis assassiné demain, un autre prendra ma place. Nous allons l'emporter car notre cause est juste. Et le temps joue en notre faveur", assure-t-il, évoquant les longues files d'attente devant les centres de recrutement, pourtant visés par des attentats suicides meurtriers.
Il en faudrait plus pour effrayer ce jeune officier au regard sombre. "Je reviens de trop loin", dit-il avec un sourire triste.
"J'ai été blessé cinq fois sous l'uniforme de l'armée kurde, en combattant à partir de 1991 (après la création d'une zone autonome kurde dans le nord de l'Irak, ndlr) l'armée de l'ancien régime de Saddam Hussein, les groupes terroristes islamiques, ou des membres du PKK", organisation clandestine kurde de Turquie, raconte-t-il.
Après l'invasion américaine, en mars 2003, Samane Talabani a été le premier officier kurde à rejoindre la nouvelle armée irakienne. Pour faire reconnaitre son grade par les GI's avec lesquels il n'a aucun état d'âme à travailler, il porte sur son gilet pare-balles, un "full bird", grade argenté de colonel de l'armée américaine.
"A Canberra, des stagiaires français ou chinois me demandaient comment pouvais-je collaborer avec les Américains. Je leur répondais +Mais qu'ont fait vos pays pour nous aider?+. J'ai gravé un CD des photos et des documents sur les crimes de Saddam, pour leur montrer l'horreur de ce régime", confie-t-il.
"Sans le soutien américain, nous serions à genoux. Mais nous avons besoin de l'aide de tous les pays pour rétablir l'eau, l'électricité, les routes... Le vieux dictateur a tout détruit", juge-t-il.
Au retour de sa dernière opération, déposant son Fal, fusil d'assaut belge, acheté avec ses propres deniers, car dit-il, "je déteste les Kalashnikov", le colonel Talabani se montre satisfait.
"J'ai constaté que les gens n'ont plus peur des soldats, ils ne fuient plus en nous voyant arriver. Quand on les traite avec dignité, les gens apprennent à nous respecter", enseigne-t-il à ses troupes.