Le Croix
La-croix.com | Par Agnès Rotivel
Les négociations entre l’État turc et les Kurdes du PKK, lancées par Recep Tayyip Erdogan en 2012, sont actuellement au point mort.
« L’attitude de l’État turc envers nos frères kurdes syriens de Kobané montre bien que la Turquie nous regarde, nous les Kurdes, comme des ennemis et non des partenaires », lance Zühal Ekmez, la maire de la ville de Suruç qui accueille des milliers de réfugiés kurdes syriens de la ville de Kobané.
Depuis le début du siège de cette ville située à la frontière turco-syrienne, les Kurdes de Turquie dénoncent la position hostile du gouvernement du président Recep Tayyip Erdogan face au PKK et au PYD (Parti de l’unité démocratique) syrien, dont les combattants se battent côte à côte pour libérer la ville de Kobané des djihadistes.
Ils dénoncent la perception du gouvernement turc selon laquelle les Kurdes syriens du PYD sont la menace principale, plutôt que Daech. Ils rappellent le refus de la Turquie de venir en aide à leurs frères, alors qu’ils étaient faiblement armés par rapport aux islamistes. Et soulignent l’aide apportée, selon eux, par l’armée turque aux combattants islamistes.
Cela a déclenché en octobre des manifestations kurdes dans plusieurs villes de Turquie, faisant une douzaine de victimes. La Turquie a riposté en bombardant les positions du PKK et des soldats turcs ont été tués à Diyarbakir et Hakkari dans le sud-est.
Le processus de paix qui vise à mettre un terme au conflit de trente ans entre la Turquie et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) semble de plus en plus fragilisé par les retombées de la crise syrienne. Les Kurdes de Turquie pourraient bien être les victimes collatérales du conflit chez leur voisin.
Les pourparlers entre la Turquie et le PKK ont commencé de façon indirecte en 1992, à travers l’Union patriotique du Kurdistan d’Irak (PUK) du président Jalal Talabani qui entretenait des relations étroites avec le président turc, Turgut Özal.
En 1999, Abdullah Öcalan, le leader du PKK a été arrêté au Kenya et emprisonné en Turquie. En août 1999, il appelait au retrait des militants en dehors des frontières du pays et à un cessez-le-feu unilatéral qui a duré jusqu’en 2004.
En 2009, le Parti de la justice et du développement (AKP) de Recep Tayyip Erdogan lançait « l’initiative kurde » appelée aussi « l’ouverture démocratique ». La question kurde était enfin publiquement abordée en Turquie et de nombreux tabous balayés du fait de ces pourparlers. Ont ainsi été permises la création d’une télévision d’État en langue kurde début 2009 et l’ouverture d’institutions privées pour enseigner le kurde, en décembre de cette année.
Ces premiers pas ont été suivis de rencontres à Oslo entre des hauts représentants des services de renseignements turcs (MIT) et de hauts dirigeants du PKK. Mais elles n’ont pas donné de résultats par manque de confiance réciproque et à cause de nouvelles arrestations lancées par le gouvernement au sein du mouvement kurde. L’année 2011, avec de nouvelles violences de part et d’autre, sonne la fin du processus d’Oslo.
En décembre 2012, le premier ministre Recep Tayyip Erdogan annonce que les services de renseignements sont en contact direct avec Öcalan, lançant ainsi le « processus de paix » qui depuis lors n’a pas fait de réels progrès, au point que personne ne semble croire à sa relance. Kobané pourrait bien sonner la fin de toute perspective de paix.