Le retrait américain de Syrie oblige la France à se replier

mis à jour le Mardi 15 octobre 2019 à 15h02

La Croix Actu | Par Corinne Laurent| 15/10/2019
 
La France doit protéger ses militaires présents dans le nord-est de la Syrie, alors que les États-Unis ont donné l’ordre à leurs forces de se retirer. Paris n’a pas d’autre choix que de faire bouger ses forces spéciales, soit au-delà de la ligne de conflit ou vers l’Irak, soit en les retirant complètement.

À l’issue d’un conseil de défense réuni dimanche 13 octobre autour d’Emmanuel Macron, l’Élysée a annoncé vouloir protéger les troupes françaises présentes dans le nord-est de la Syrie. Dans cette région, la situation est en effet devenue incontrôlable depuis que la Turquie a engagé une offensive contre la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG) et que les États-Unis ont décidé de retirer leurs soldats.

« Des mesures seront prises dans les prochaines heures pour assurer la sécurité des personnels français militaires et civils présents dans la zone au titre de la coalition internationale contre Daech ou de l’action humanitaire », a déclaré la présidence de la République, dans un communiqué condamnant « dans les termes les plus fermes » l’offensive turque.

Cinq ans après le début de l’opération militaire « Chammal », quel bilan en tirer ?

Par principe, la France ne communique jamais sur la présence de forces spéciales en opérations et les missions assignées au Commandement des opérations spéciales (COS). Mais le communiqué de l’Élysée admet, de fait, la présence de troupes françaises au sol en Syrie.

« Les Français ne peuvent plus rester tout seuls »

Quelques heures plus tôt dimanche, la situation avait été jugée à ce point « intenable » par les États-Unis qu’ils avaient décidé de retirer jusqu’à 1 000 soldats, soit la quasi-totalité de leurs forces déployées en Syrie. Vendredi 11 octobre, certaines d’entre elles s’étaient même retrouvées sous le feu de positions turques près de la ville de Kobané.

« Dès lors que les Américains opèrent un retrait, les Français ne peuvent plus rester tout seuls au milieu d’une conflagration générale », constate Pierre Servent, spécialiste des questions militaires (1). La France n’a donc pas d’autre choix que de faire bouger ses forces spéciales, soit au-delà de la ligne de conflit ou vers l’Irak, soit en les retirant complètement.

Les faibles marges de manœuvre de la France en Syrie

Si la situation est intenable pour les États-Unis, elle l’est à plus forte raison pour la France qui compte beaucoup moins d’hommes et de moyens. Sans soutien aérien et logistique, sans artillerie, les petites unités de forces spéciales françaises ne sont pas en sécurité.

Les forces spéciales n’ont « plus de mission claire »

En outre, la nature de la mission des soldats français en Syrie a changé. « Ils faisaient de la formation auprès de soldats kurdes et sur des matériels, du guidage de frappes aériennes vers des moyens militaires de Daech. Désormais, il n’y a plus de mission claire pour les forces spéciales », explique Pierre Servent. D’autant plus que les alliances sont renversées : pour stopper l’offensive turque, les Kurdes ont conclu un accord avec Bachar Al-Assad, alors que la France rejette le régime.

Après 2013 et la décision du président Barack Obama de renoncer à la dernière minute à des bombardements contre des infrastructures du régime syrien, la France s’est engagée dans la lutte contre Daech en deux temps, d’abord en Irak, puis en Syrie. « Elle a joué un rôle diplomatique intense et un rôle militaire à sa mesure. Elle est le deuxième contributeur de la coalition : 90 % des frappes aériennes sont américaines, 5 % françaises », souligne Pierre Servent. Mais force est de constater son impuissance à peser dans un contexte à présent bouleversé.