31 mai 2007 | Correspondant au Vatican HERVÉ YANNOULe secrétaire d'État du Pape a confirmé le virage à 180 degrés engagé par Benoît XVI lors de sa visite à Istanbul, l'an dernier.
LE VATICAN est favorable à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. Mardi soir, en marge d'une conférence organisée à l'université romaine des légionnaires du Christ, le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d'État du Saint-Siège, a dit oui à cet élargissement. Il a ainsi confirmé le nouveau cap du Saint-Siège qui se dessinait depuis le voyage effectué par Benoît XVI en Turquie, en no-vembre 2006.
Benoît XVI a effectué un voyage historique en décembre dernier en Turquie.
Medichini/AP
« La Turquie a parcouru un long chemin, et continue à le parcourir », a déclaré le bras droit du Pape et chef de la diplomatie vaticane. Il a insisté pour que le pays soit « défini comme laïc », alors que les tensions entre les mouvements islamistes et l'armée turque, gardienne de la laïcité, sont à leur comble à Ankara. « Il y a des évolutions, les positions sont naturellement très différentes », a-t-il reconnu, mais « avec les peuples et les gouvernements qui respectent les règles fondamentales de la cohabitation, on peut dialoguer et construire ensemble le bien commun dans la sphère européenne et aussi dans la communauté mondiale ». « Y compris jusqu'à une entrée dans l'Europe ? », lui ont demandé les journalistes. « Y compris », a répondu le secrétaire d'État.
Cette prise de position sur un dossier très controversé pourrait être vue comme un appui moral à Ankara, mais le Vatican se montre avant tout pragmatique. La ligne diplomatique affirmée par le cardinal relève de la géostratégie et des relations tendues avec le monde musulman.
Balayer l'idée d'un « choc des civilisations »
Avant son élection, en avril 2005, le cardinal Ratzinger avait jugé que l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne serait une « erreur historique ». Une idée partagée par nombre de cardinaux. Mais publiquement, le Vatican restait neutre à l'époque, tant que la Turquie s'efforçait de remplir les conditions fixées par Bruxelles, en particulier en matière de liberté religieuse. La donne devait changer après le discours du Pape à Ratisbonne en septembre 2006. Ses propos sur l'Islam et la violence déclenchèrent une crise sans précédent avec le monde musulman.
Deux mois plus tard, son voyage en Turquie devait participer à renouer le dialogue et balayer l'idée d'un « choc des civilisations ». Le Pape présenta la Turquie comme « un pont entre Orient et Occident ». Le cardinal Bertone devait préciser que l'Europe « ne pouvait pas s'en passer » et que son intérêt était « de l'aider à être une véritable démocratie » afin de « consolider un système de valeurs ».
Pour être clair, fermer la porte aux Turcs « risquerait de favoriser le fondamentalisme islamiste à l'intérieur du pays ». La Turquie n'est plus « l'ennemi héréditaire » de l'Europe chrétienne, souligne aujourd'hui un prélat, rappelant que jusqu'au XVIIe siècle l'horizon politique des papes était de fédérer l'Europe dans une croisade contre les Turcs. Entre l'Islam et la chrétienté, selon ce prélat, la Turquie est « une marche frontière » qu'il faut « intégrer plutôt que de la rejeter brutalement ». Reste que Benoît XVI, lui, n'a jamais été aussi affirmatif en public.