Avec le triomphe du premier ministre sortant Tayyip Erdogan aux élections législatives, on a envie de croire avec une majorité de Turcs que leur pays est aujourd'hui plus mature, plus démocratique, tendu vers la voie du progrès économique et prêt à poursuivre son ouverture à l'Europe.
Plus mature, parce que son parlement sera plus équilibré avec un parti au pouvoir renforcé dans sa légitimité et une opposition mieux représentée, l'extrême droite des Loups gris rejoignant des personnalités de la minorité kurde aux côtés des élus du CHP, les kémalistes dépositaires du dogme laïque.
Issu de la mouvance islamiste, Erdogan et son parti l'AKP ont séduit une majorité d'électeurs (46,4% des voix) avec la promesse de la stabilité dans la poursuite de réformes libérales et un rapprochement avec l'Europe. Ce scrutin, qui a tourné au référendum en faveur de Tayyip Erdogan, ressemble aussi à une gifle pour les généraux et l'opposition qui avaient tour à tour agité l'épouvantail de l'islamisme, du terrorisme kurde et soufflé sur le ressentiment anti-européen. En vain. Si elle reste le garant de la laïcité, l'armée, et sa menace voilée de coup d'Etat, a choqué les Turcs qui veulent croire que ces temps sont passés.
Mais on peut aussi penser que Tayyip Erdogan doit encore faire ses preuves avant que ce populiste puisse être considéré comme un démocrate sans agenda caché et l'AKP, comme l'équivalent d'un parti démocrate-chrétien européen ainsi que le suggèrent certains. Son premier mandat reste associé à une islamisation rampante de la société turque et l'AKP, par son arrogance et ses erreurs, est à l'origine de la crise politique de ces derniers mois. Le premier test sera sa capacité ou non à présenter un candidat de compromis à la présidence. Il l'a promis. Il le doit aux électeurs turcs. Au risque d'une nouvelle crise.