Le Kurdistan était divisé entre UPK et PDK
Les Kurdes se sentent forts. Chaque jour, de nouvelles estimations - non officielles - viennent les conforter dans l'idée qu'ils ont totalisé un bon score aux élections nationales irakiennes du 30 janvier. La défection des Arabes sunnites joue en leur faveur. Les chiites, qui rafleraient la majorité des sièges, restent divisés sur leurs futurs représentants. Enfin, assure-t-on, le Parti communiste, allié historique des Kurdes, pourrait créer la surprise en totalisant un score, autour de 10 % des suffrages, que personne n'avait prédit.
Un vent d'optimisme souffle sur le Kurdistan. Les Kurdes se voient déjà dans le rôle de "faiseurs de roi" au Parlement. Des officiels évoquent les ministères-clés - tels que celui du pétrole, des finances, des affaires étrangères ou encore de la défense - auxquels ils pourront prétendre.
Pour conforter ce succès électoral, dont chacun ici semble persuadé, il fallait une dernière démonstration de force : prouver que l'unité kurde ne s'exprime pas seulement face au reste de l'Irak et qu'elle correspond bien à une réconciliation définitive des camps rivaux du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), mené par Massoud Barzani, et de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) dirigé par Jalal Talabani. C'est chose faite depuis le jeudi 3 février. A Salahuddin, au cours d'une conférence de presse "historique", les deux leaders kurdes ont annoncé la réunification officielle du Kurdistan.
Malgré une alliance proclamée dès la chute du régime de Saddam Hussein, le Kurdistan demeurait, en effet, une région divisée. Depuis la guerre civile qui a opposé les deux camps entre 1994 et 1997, subsistaient deux gouvernements parallèles, ainsi que deux armées de peshmergas (combattants kurdes).
La fracture est à ce point profonde qu'à l'intérieur des fiefs respectifs - PDK au nord et à l'ouest ; UPK au sud-est -, les Kurdes parlent deux dialectes distincts. Autre exemple, les téléphones portables, dépendant de deux compagnies différentes, ne fonctionnent que d'un côté.
Il n'y aura plus désormais qu'un seul gouvernement kurde. Nechervan Barzani (PDK) en sera l'unique premier ministre et Adnan Mufti (UPK), l'unique chef du Parlement. Seul bémol à cette grande réconciliation, la nomination des responsables aux postes les plus délicats (les finances et l'armée) a été remise à plus tard, "dès que seront connus les résultats définitifs à l'élection des gouvernorats".
Là encore, les estimations ne manquent pas. Pour l'ensemble du Kurdistan, l'UPK arriverait en tête. Les deux leaders kurdes ont expliqué que "quels que soient les résultats définitifs, il ne faudrait pas chercher à y voir un perdant ou un gagnant".
Faire cause commune, au moins jusqu'à l'établissement de la nouvelle Constitution irakienne, tel est le message martelé. Face aux Américains, à la communauté internationale et aux autres Irakiens, les deux poids lourds de la politique kurde ont annoncé la couleur. Ils resteront solidaires jusqu'au bout pour mieux faire avancer leurs revendications : un Kurdistan incluant les villes de Kirkouk, Sindjar (à la frontière syrienne) et Khanaqin (frontière iranienne), au sein d'un Irak fédéral.
Cécile Hennion
La liste chiite soutenue par le grand ayatollah Ali Al-Sistani est largement en tête dans dix provinces à majorité chiite, avec 67 % de plus de 3 millions de votes dépouillés. L'Alliance unifiée irakienne recueille 2 212 749 voix dans ces provinces du centre et du sud de l'Irak, selon les chiffres de la commission électorale. La liste du premier ministre Iyad Allaoui arrive en deuxième position, avec 17,5 % des suffrages.
Une responsable de la commission a précisé que le total des bulletins dépouillés jusqu'à présent était de 3 300 000 sur environ 8 millions d'électeurs. Les votes kurdes n'ont pas encore été comptabilisés. D'ores et déjà, la liste chiite est en position de remporter 76 des 275 sièges de l'Assemblée nationale contre 20 sièges à la liste de M. Allaoui. - (AFP.)