Les Kurdes d'Irak veulent négocier avec Ankara, rejettent les menaces


18 octobre 2007

ERBIL (Irak), (AFP) — Le gouvernement des Kurdes irakiens a exhorté la Turquie à négocier avec lui le sort de rebelles kurdes en Irak, jeudi, journée durant laquelle des milliers de manifestants ont dénoncé à Erbil (nord) les projets d'intervention d'Ankara.


Soldats turcs patrouillant le 17 octobre 2007 à la frontière irakienne

"Le gouvernement régional kurde ne cherche pas la guerre avec la Turquie", a souligné un communiqué du gouvernement de la province autonome, où vivent entre quatre et cinq millions d'habitants.

Il a appelé "au dialogue direct avec Ankara sur toutes les questions d'intérêt commun, dont celles du PKK", le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK, séparatiste), indique le communiqué.

Les autorités régionales kurdes, qui veulent garder la haute main sur ce dossier explosif, ont ainsi pris le contre-pied du gouvernement de Bagdad qui a insisté mercredi sur sa prééminence dans la gestion de la tension avec la Turquie.

L'appel du gouvernement kurde intervient après le vote du Parlement turc autorisant des incursions dans le nord de l'Irak, pour éliminer le PKK. Selon Ankara, quelque 3.500 combattants du PKK ont trouvé refuge dans cette région et sont soutenus par les Kurdes d'Irak.

Cette organisation a déclenché en 1984 une lutte armée indépendantiste en Turquie qui a fait plus de 37.000 morts.

Le gouvernement central de Bagdad a prôné une concertation "urgente" avec Ankara, et s'est engagé à éliminer la présence du PKK, qu'il qualifie d'organisation "terroriste".


Carte des zones à population kurde
Au contraire, les Kurdes irakiens veulent "un processus politique" pour régler le problème du PKK qui dure depuis 28 ans, et estime que cette question "ne sera pas résolue par les seuls moyens militaires".

"Une incursion serait préjudiciable à l'Irak à la Turquie et au Moyen-Orient", a encore souligné le communiqué du gouvernement régional.

Il a toutefois assuré qu'il ne "laisserait personne utiliser le territoire sous son contrôle pour attaquer ou déstabiliser la Turquie et aucun autre de nos voisins".

Par la voix d'une porte-parole, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a de son côté souhaité que des "mesures décisives" soient prises pour empêcher l'utilisation du territoire irakien par des rebelles kurdes, appelant à éviter "toute escalade des tensions" dans "cette région instable".

En matinée, des milliers de manifestants avaient protesté à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, contre la menace turque d'une incursion et s'étaient réunis devant le siège de l'ONU de cette ville, située à 350 km au nord de Bagdad.

Hérissée de drapeaux kurdes --rouge, blanc, vert avec un soleil jaune en son centre--, le cortège a rassemblé des étudiants, des fonctionnaires, des membres des syndicats. Une lettre a été remise au bureau de l'ONU par une délégation.

Elle s'est déroulée dans le calme, au milieu d'un dispositif de sécurité très strict: les rues ont été fermées, des barrages filtrants installés, et la circulation interdite.

"Non à la solution militaire, oui à la diplomatie", lisait-on en arabe, en anglais et en kurde, sur une bannière. "Violer les frontières du Kurdistan, c'est violer la souveraineté du peuple kurde", affirmait une autre.

"La meilleure solution pour traiter le problème du PKK est d'avoir un dialogue direct entre les Turcs et le gouvernement kurde", a estimé un étudiant kurde de 21 ans, Karim Ali, se faisant l'écho de la position affichée par les autorités régionales.


Le Premier ministre turc Erdogan devant le Parlement, le 16 octobre 2007
Ankara affirme ne pas avoir d'autre option que d'intervenir militairement dès lors que ni Washington ni Bagdad n'agissent contre le PKK, une organisation considérée comme terroriste par la Turquie, les Etats-Unis et l'Union européenne.

Le président américain George W. Bush s'est fermement opposé mercredi à une éventuelle incursion militaire de la Turquie dans le nord de l'Irak.