Les Kurdes de Bruxelles en état de choc


3 avril 2007

La communauté kurde se dit victime du harcèlement des extrémistes turcs.
Emir Kir (PS) fustige l'attaque contre un centre culturel kurde de Saint-Josse.

Si on a peur ?, s'étrangle Berikvan Akgul. Mais regardez cette façade carbonisée : évidemment que la communauté kurde a peur." En Belgique depuis dix ans, Berikvan Akgul (30 ans), réfugiée politique, participait lundi après-midi, avec une centaine de membres de la communauté kurde de Bruxelles, à un rassemblement devant l'ex-centre culturel kurde de Saint-Josse. Rappel, dans la nuit de samedi à dimanche, cet immeuble a été ravagé par les flammes suite au jet de plusieurs cocktails Molotov. Et des affrontements entre communautés turque et kurde ont éclaté à Saint-Jossse dans la foulée de cet incendie criminel.

Les Kurdes Bruxelles"On en a marre des provocations des extrémistes turcs, grogne Berikvan Akgul. Nous sommes inquiets." Dans un communiqué publié mardi, des associations kurdes ont attribué la paternité de l'attaque aux "Loups Gris", un collectif nationaliste turc. La police, cependant, poursuit son enquête.

"Je condamne sans réserve"

"On a fui la Turquie parce que nous y étions persécutés et voilà que nous nous retrouvons avec les mêmes problèmes", soupire Murat Geles, un Kurde de 46 ans. "La communauté kurde de Bruxelles (environ 2 000 personnes) est sous le choc", note Husseyin Unal, vice-président du centre culturel. "Ça fait des années qu'on demande une protection", enrage Derwich Ferho, le président de l'Institut kurde.

Lundi, alors que le bourgmestre de Saint-Josse Jean Demannez (PS) tentait - entre deux autopompes - d'apaiser les esprits, c'est le "champion" de la communauté turque de Bruxelles, Emir Kir (PS), qui est finalement venu à la rescousse des Kurdes : "Je condamne sans réserve cette déferlante de violence. Rien ne peut justifier de lancer des cocktails Molotov ! Ce n'est certainement pas par la violence qu'on règle les problèmes. Je condamne les provocations d'où qu'elles viennent". Faut-il parler avec les "Loups Gris" pour calmer les esprits ? "Je ne pense pas qu'il faille parler avec de telles structures, indique Emir Kir. Certains commerçants sont des relais très efficaces pour faire passer un message d'apaisement auprès des jeunes."

"Il faut dire clairement qu'il s'agit de racisme intercommunautaire à l'état pur, siffle Radouane Bouhlal, le président du Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie (Mrax). La réaction aurait été autrement plus forte si on avait jeté des cocktails Molotov contre une synagogue ou une mosquée." Le Mrax réclame, en outre, "des mesures contre les médias turcs qui relayent des messages de haine et appellent à des actions à l'encontre de la communauté kurde".

"Pour des raisons électoralistes, le bourgmestre ne condamne pas cet acte intolérable, fulmine Ahmed Moussin, conseiller Ecolo à Saint-Josse. Quel laxisme..." Interrogé, le bourgmestre Demannez réfute les accusations de parti pris "pro turc" : "Oui, il y a des échevins d'origine turque à Saint-Josse : et alors ?" "On ne va certainement pas régler la question du Kurdistan ici : soyons modestes, riposte Jean Demannez. On veut juste apaiser les esprits."