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Lefigaro.fr | Par Laure Marchand
La Turquie redoute que son soutien à l'opposition syriennes ne lui vaille un sévère retour de bâton : le renouvellement de la traditionnelle alliance entre Damas et le PKK.
Dans l'ombre du conflit en Syrie mais bien présent, le PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, en guerre contre le pouvoir central turc depuis plus d'un quart de siècle, inquiète Ankara. La Turquie redoute que son soutien à l'opposition et à la résistance syriennes ne lui vaille un sévère retour de bâton: le renouvellement de la traditionnelle alliance entre Damas et le PKK.
La rébellion kurde a réagi vivement à l'évocation d'une zone tampon le long de la frontière en Syrie, «un scénario» mentionné à plusieurs reprises par le gouvernement turc. Pour Murat Karayilan, commandant du PKK retranché dans les montagnes du Kurdistan irakien, une intervention turque en Syrie serait dirigée contre son «peuple». Les Kurdes de Syrie, qui représentent environ 10 % de la population, vivent principalement au nord-est du pays. En cas d'entrée des troupes turques sur le sol syrien, «tout le Kurdistan (à cheval sur la Turquie, l'Iran, l'Irak et la Syrie, NDLR) serait transformé en zone de guerre», a-t-il menacé dans une déclaration à l'agence prokurde Firat.
Le Sud-Est turc connaît toujours une situation de guerre civile larvée. L'interdiction par les autorités turques de la majorité des célébrations de Newroz, le Nouvel An kurde, a déclenché des émeutes dans tout le pays, il y a quinze jours. Et les clashs entre les rebelles et l'armée se sont intensifiés ces dernières semaines. Un sanctuaire pour la guérilla, en territoire syrien, juste de l'autre côté de la frontière, renforcerait sa lutte contre Ankara. La zone kurde en Syrie est déjà largement sous influence du Parti de l'union démocratique (PYD), la branche syrienne du PKK. Depuis le début de la répression, le PYD ne s'est pas rangé du côté de l'opposition syrienne et a observé une certaine neutralité à l'égard du régime de Damas. En échange, Bachar el-Assad lui laisse les mains libres dans le Nord-Est. Cela lui permet de se concentrer sur les fondations d'une zone semi-autonome. Une inquiétude supplémentaire pour les Turcs.
Ahmet Davutoglu, le ministre des Affaires étrangères turc, s'est plaint du passage de combattants kurdes entre la Syrie et la Turquie. Il a dit que son gouvernement pourrait demander au Parlement d'autoriser l'envoi de troupes sur le territoire syrien afin d'empêcher le PKK de traverser la frontière. Dans les années 1980 et 1990, la guérilla était hébergée en Syrie et il avait fallu une menace d'Ankara de conflit armé pour que Damas finisse par expulser Abdullah Öcalan, le leader du PKK, en 1998. «Même un régime baasiste agonisant peut jouer de nouveau cette carte kurde contre la Turquie», analyse Kadri Gürsel, éditorialiste à Milliyet et spécialiste de la question kurde. Précisant que certains indices indiquent que Damas se serait mis à soutenir discrètement le PKK par mesure de rétorsion contre Ankara, qui a choisi le camp des opposants syriens. Le pouvoir de nuisance de la rébellion oblige donc le gouvernement islamo-conservateur à jouer la prudence dans la gestion de la crise en Syrie.