LA PROVINCE AUTONOME du Kurdistan irakien a coiffé sur le fil Bagdad dans la course de marathon à la formation des gouvernements en Irak. Elle s'est offert, après quatorze ans de quasi- indépendance, son premier gouvernement kurde unifié, quelques jours avant l'annonce du nouveau cabinet irakien.
Si le gouvernement de Bagdad est attendu depuis les législative de décembre, celui d'Erbil était en gestation depuis février 2005. Il a fallu en effet plus d'un an pour sceller la réconciliation entre les frères ennemis du PPK (Parti démocratique du Kurdistan) de Massoud Barzani, l'actuel président du Kurdistan autonome, et de l'UPK (Union populaire du Kurdistan) de Jalal Talabani, l'actuel président de la République irakienne. Séparés administrativement et politiquement de Bagdad depuis 1992, les clans Barjani et Talabani s'étaient disputé le pouvoir par les armes. En 1998, à la fin des affrontements entre pechmergas, les combattants kurdes, le territoire s'est trouvé coupé en deux : au sud, le PDK et sa capitale Erbil où siège le Parlement unique, au nord, l'UPK et sa capitale Sulamaniya. Aujourd'hui encore, la séparation a des conséquences absurdes, telle l'impossibilité de téléphoner par portable d'un secteur à l'autre, les deux réseaux n'étant pas compatibles. Le consensus dégagé pour bâtir une équipe autour du premier ministre PDK, Nechirvan Barzani, est le fruit de marchandages laborieux. Mieux atteindre l'objectif commun Le PDK obtient les portefeuilles de l'Intérieur et de la Justice, l'UPK dispose de la Défense et des Finances. Les ministres de domaines régaliens sont flanqués d'un adjoint de l'autre camp chargé durant un an d'harmoniser le processus d'unifi cation. Chaque clan a accepté des concessions pour imposer l'image d'un Kurdistan fort, mais les leaders ont suspendu leurs interminables querelles uniquement par pragmatisme. Le rapprochement est destiné à lever l'obstacle de la division pour mieux atteindre l'objectif commun : le passage sous le giron du Kurdistan de la ville de Kirkouk, considéré par les Kurdes comme leur capitale historique. Un référendum sur le rattachement de la cité pétrolière prévu en 2007 ne devrait être qu'une formalité. Le retour de réfugiés de Kirkouk sous Saddam, conjugué au départ d'habitants arabes, devrait donner la victoire aux partisans de l'annexion. «L'unification permettra de remettre plus facilement Kirkouk dans nos bras», a confirmé hier, Adnan Mufti (UPK) le président du Parlement. L'accord gouvernemental renforce également le poids des Kurdes face aux pôles chiites et sunnistes. Récemment, les Kurdes ont joué un rôle de médiateurs dans la recherche d'un nouvel équilibre entre les communautés irakiennes alors que les tensions sont à leur comble. Ils se sont faits les champions de l'unité du pays dans l'espoir d'en tirer les dividendes lorsque le pouvoir central devra se prononcer sur la cession de Kirkouk.