Le parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) multiplie les actes de violences depuis le début de l’été. C’est désormais l’économie touristique turque qui est frappée en plein cœur. Aux abords des frontières turques, syriennes, iraniennes et irakiennes vit un peuple sans patrie, tiraillé entre la volonté de reconnaissance et la peur de l’oubli, les Kurdes. Massacré, rejeté et exterminé : l’histoire de ce peuple a souvent été empreinte de sang. Une situation que le principal parti kurde, le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), a désormais décidé d’inverser.
16 juillet 2005. Une bombe dans un minibus fait cinq morts et 13 blessés à Kusadasi, en Turquie. Parmi les victimes, de simples touristes se rendant à la plage. 4 août 2005. Une explosion fait deux morts et quatre blessés à Istanbul. En ciblant désormais ses attaques dans le nerf de l’économie touristique de la Turquie, le PKK établit un climat de terreur chez ses voisins. Poses de mines télécommandées, trains attaqués à l’explosif, séquestration d’un soldat en permission, l’organisation kurde sort du silence dans lequel ses « frères » ont toujours voulu l’enfermer. Car pour eux, la volonté de reconnaissance ainsi que le sentiment de rejet qu’ils entretiennent semblent être devenu insoutenable. Longtemps ignoré par la communauté internationale, repoussé aux frontières par ses voisins, le peuple n’en est pas au premier de ses lendemains difficiles. Le 16 mars 1988, en pleine guerre Iran Irak, 5 000 Kurdes du village d'Halabja, situé dans le Kurdistan irakien, sont tués par des gaz lancés par l’armée de Saddam Hussein. Ce massacre n'avait pas soulevé de protestation de la part de la communauté internationale. A l'époque, il était admis que les civils avaient été tués « collatéralement », à la suite d'une erreur de maniement des gaz de combat…
Une histoire douloureuse qui, après de longues luttes fratricides, a donné naissance à une conscience politique et identitaire au Kurdistan. Crée en 1978 à Ankara (Turquie), puis implanté au Kurdistan en 1979, le PKK a pour objectif la création d'un état kurde indépendant aux confins de la Turquie, de l'Irak et de la Syrie. La lutte armée est assurée par sa branche militaire : l'Armée Populaire de Libération du Kurdistan. Les estimations concernant ses effectifs varient entre 3 400 et 11 000 guérilleros. Depuis 1984, la lutte entre le PKK et le gouvernement turc aurait causé quelque 30 000 morts civils et militaires.
Et alors que la Turquie tente inexorablement de s’aligner sur les critères d’adhésion pour une hypothétique future entrée dans l’Union Européenne, l’insécurité dans le pays vient renforcer le sentiment antiturc. Le moment tombe vraiment mal pour la Turquie, qui voit s’éloigner de plus en plus une Europe jusque là enthousiaste quant aux efforts qu’elle a fourni ces derniers temps. Le PKK, quant à lui, semble assez réjoui de ce repli qui pourrait, peut-être, selon eux, leur permettre de ne pas être oublié, une fois de plus. Une chose est sûre, la Turquie, elle, n’en restera pas là. Le gouvernement d’Erdogan vient de lancer une opération transfrontalière dans le nord de l’Irak, où le PKK entretient des bases de repli. Une réaction qui risque de multiplier les actes de violences entre ces deux frères ennemis. Quand le besoin de reconnaissance devient le porte drapeau d’un peuple…
Auteur : Juliette Loir