- LE MONDE [08 février 2006]
DÉCISION REPORTÉE
Après cet incident, l'audience s'est finalement achevée par un report de la décision au 11 avril. "Nous espérons l'annulation des poursuites, car les avocats qui ont porté plainte n'y sont pas habilités, estime Erol Önderoglu, correspondant en Turquie de Reporters sans frontières (RSF). Seules les institutions qui sont visées peuvent le faire."
Dans la seule journée de mardi, pas moins de trois autres procès ont visé des journalistes. L'un d'eux avait évoqué, au cours d'une émission télévisée, l'impact négatif de l'armée sur la vie politique turque. Un autre avait consacré un reportage à un ex-député kurde emprisonné et était accusé de faire l'éloge des séparatistes kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Selon l'agence de presse indépendante BIA, pas moins de 29 journalistes sont actuellement poursuivis en Turquie pour délit d'opinion, sur le fondement de trois articles du code pénal turc (les articles 288, 301 et 305) jugés liberticides. Des écrivains, éditeurs et universitaires sont également concernés. "J'ai appris, il y a trois jours, que j'étais poursuivi moi aussi", raconte Mehmet Altan, professeur d'économie et éditorialiste au quotidien Sabah.
Le nouveau code pénal turc, entré en vigueur en juin 2005 et réformé sous la pression de l'Union européenne, mécontente les associations de journalistes, qui s'estiment moins bien protégés par les nouvelles dispositions.
Le commissaire européen à l'élargissement, Olli Rehn, demande à la Turquie de revoir sa copie. Pour Hasan Cemal, l'un des cinq journalistes jugés mardi, " le gouvernement doit réformer l'article 301", qui réprime toute "insulte à la nation et aux institutions", un concept vague qui ouvre, selon lui, la voie à toutes les dérives.