PRES DE LA FRONTIERE ENTRE L'IRAK ET LA TURQUIE, 25 octobre (Reuters) - En haut des montagnes, près de la frontière de l'Irak avec la Turquie, les séparatistes kurdes avancent péniblement le long d'un chemin poussiéreux bordé de noyers.
Vêtus de la tunique kurde traditionnelle de couleur verte, d'un pantalon ample et d'une ceinture à la taille, ils arborent les emblèmes de tous les guérilleros à travers le monde : la Kalachnikov à l'épaule et le téléphone portable à la main.
L'armée turque menace de mener une vaste opération au Kurdistan, dans le nord de l'Irak, pour déloger les combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) de leurs repaires dans les montagnes.
Ces derniers jours, les forces armées turques ont bombardé ce qu'elles pensent être des positions du PKK dans le nord de l'Irak alors que les efforts diplomatiques s'intensifiaient pour éviter une opération militaire de grande ampleur, dont Washington craint qu'elle ne déstabilise la région.
Il y a peu d'indices de la présence du PKK dans cette vallée sinueuse, encadrée par des falaises abruptes, repaires de grottes et de broussailles.
Mais on peut apercevoir un abri en bois sous des arbres près d'un ruisseau, les restes de feux de camp récents et des sacs blancs entreposés sous un rocher, protégeant la minuscule entrée d'un bunker.
Les hommes et les femmes qui combattent dans les rangs du PKK dans la vallée affirment ne pas craindre la puissante armée turque et assurent qu'ils se battront jusqu'à ce qu'ils obtiennent la création d'un Etat kurde indépendant.
"S'ils franchissent la frontière irakienne, nous survivrons. Ces montagnes sont des montagnes kurdes et ils ne connaissent pas le terrain", affirme un combattant du PKK.
"Notre peuple vit dans cette région depuis 2.000 ans", ajoute l'homme âgé de 35 ans, originaire de Turquie. "S'il y a des attaques, nous résisterons", poursuit-il.
Les Kurdes sont répartis entre quatre pays : la Turquie, la Syrie, l'Iran et l'Irak. Après des années d'oppression sous le régime de Saddam Hussein, les Kurdes irakiens bénéficient aujourd'hui d'une relative autonomie.
"Les quatre gouvernements - le turc, le syrien, l'ancien exécutif irakien et l'iranien - sont contre les Kurdes et ils ne reconnaissent pas nos droits", souligne le combattant.
Les membres du PKK expliquent qu'une sécession de la région du Kurdistan irakien constituerait une première étape, insuffisante toutefois pour les convaincre de mettre un point final à leur combat.
"Non, la révolution ne s'arrêtera pas si nous obtenons une partie de l'Irak. Elle continuera jusqu'à ce que tout le Kurdistan soit libre. Mais une solution politique serait préférable. Le peuple kurde n'aime pas se battre et tuer", dit un séparatiste kurde.
Il a rejoint le PKK après avoir assisté à la destruction de villages kurdes dans le sud-est de la Turquie, où certains de ses proches et de ses voisins ont été arrêtés et torturés.
Plusieurs pays, dont Washington, considère le PKK comme une organisation terroriste et soutiennent les efforts menés pour le combattre. Bagdad s'est engagé à fermer les bureaux du PKK et à ne pas l'autoriser à opérer sur le sol irakien, espérant ainsi empêcher une offensive turque dans le nord de son pays.
Le PKK a intensifié ces attaques contre l'armée turque et a tué 40 soldats au cours du mois écoulé. L'organisation séparatiste détient huit soldats et le gouvernement turc est soumis à une pression croissante de sa population pour intervenir.
Les séparatistes kurdes affirment que la communauté internationale a inscrit le PKK sur la liste des organisations terroristes par opportunisme politique.
"C'est un problème politique et économique car ces pays, le Royaume-Uni, l'Union européenne, ils veulent avoir de bonnes relations avec la Turquie", explique le combattant.
"Les Kurdes irakiens étaient autrefois considérés comme des terroristes. Retranchés dans les montagnes, ils se sont battus contre le régime irakien pendant 50 ans, mais aujourd'hui tout a changé", souligne-t-il.
"Allez à Erbil, c'est l'endroit le plus sûr en Irak", conclut-il.