STRASBOURG (Conseil Europe), 27 oct 2005 (AFP) - 17h55 - La Cour européenne des droits de l'homme a condamné jeudi Ankara pour avoir infligé des sanctions pénales au rédacteur en chef d'un quotidien qui avait publié en 1995 un article acerbe sur l'attitude de l'armée vis-à-vis de la minorité kurde.
Le requérant est décédé entre temps et c'est sa veuve à qui a été attribué un total de 4.500 euros pour dommage moral, frais et dépens. M. Ali Erol était rédacteur en chef du quotidien Evrensel (Universel) dans lequel parut en décembre 1995 un entretien avec un sous-officier ayant effectué son service militaire dans le Sud-Est de la Turquie et qui mettait en relief l'hostilité des militaires à l'égard des Kurdes. Le 9 mai 1996, la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul avait condamné M. Erol à deux ans de prison et à une amende et avait interdit la parution du journal durant 20 jours. Pour la cour de sûreté de l'Etat l'article constituait une incitation à la haine fondée sur la différence raciale et régionale et une provocation à la désaffection envers le service militaire. Pour la Cour européenne des droits de l'homme les faits invoqués n'étaient pas suffisants pour justifier une ingérence dans le droit du journaliste à la liberté d'expression, notamment parce que l'article n'exhortait pas à la violence, à la résistance armée, ou au soulèvement. Dès lors la condamnation du requérant était "disproportionnée" et constitue une violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme garantissant le droit à la liberté d'expression selon la Cour de Strasbourg. Celle-ci a en outre confirmé sa jurisprudence constante en condamnant Ankara pour manque d'indépendance et d'impartialité (article 6 de la Convention) en raison de la présence d'un juge militaire au sein de la Cour de sûreté de l'Etat. |