Humanité
Humanite.fr | Hassane Zerrouky
Redonner leurs noms originels aux villages kurdes ou autoriser leur langue dans la vie culturelle : Le gouvernement turc de Tayyip Erdogan adopte des mesures constituant un début de reconnaissance du fait national kurde.
Vendredi dernier, le premier ministre turc, Tayyip Erdogan, a défendu devant le Parlement un « projet d’ouverture démocratique » autorisant l’usage de la langue kurde dans la vie politique et culturelle via la diffusion de programmes à la radio et à la télévision. Mieux, (voir l’Humanité du 12 novembre), les villes et villages kurdes qui ont été « turquifiés » pourront retrouver leurs noms originels. Les détenus kurdes seront désormais autorisés à parler leur langue lors de visites familiales. Enfin le gouvernement turc va créer des commissions indépendantes pour prévenir les discriminations et les actes de tortures. Reste que le gouvernement a rejeté le droit à l’éducation en langue kurde tout en réaffirmant que la Turquie reste un État unitaire avec une seule langue, le turc, et ce, même dans le cas d’une révision constitutionnelle.
Ces précautions politico-constitutionnelles n’ont convaincu ni l’opposition kémaliste – le CHP (Parti républicain du peuple, membre de l’internationale socialiste) – ni l’opposition ultra-nationaliste – MHP (Parti de l’action nationaliste – tous deux présents au Parlement. Par la voix de son leader, Deniz Baykal, le CHP a accusé le gouvernement de vouloir « détruire et démanteler la Turquie », tandis que Deviet Bahceli du MHP le suspecte ouvertement de négocier avec une bande de terroristes. Quant à l’armée, qui se définit comme la gardienne du dogme kémaliste et, pour qui, le PKK est un « mouvement terroriste », elle n’a pas encore réagi.
De son côté, le PKK, qui a rejeté l’initiative gouvernementale, la jugeant « superficielle », estime que « la question kurde ne peut pas trouver de solution sans la reconnaissance de la volonté du peuple kurde et sans dialogue avec ses représentants », a-t-il indiqué dans un communiqué diffusé par l’agence pro-kurde Firat. Il exige la cessation des opérations militaires, que la reconnaissance de l’identité kurde soit inscrite dans la Constitution et que le kurde soit aussi une langue d’enseignement.
Bien que qualifiées d’insuffisantes par les Kurdes eux-mêmes, il n’en reste pas moins que dans un pays où le jacobinisme kémaliste a toujours fait l’impasse depuis plus de soixante ans sur l’existence d’une minorité représentant tout de même plus de 15 millions de personnes, les mesures annoncées par le gouvernement de Tayyip Erdogan constituent de fait un début de reconnaissance du fait culturel et national kurde. Elles ouvrent une brèche dans le mur du déni de l’identité et de la culture Kurde. Le débat ne fait que commencer.