Le directeur de cabinet du préfet, Gilles Gray, le 11 août 2013. Photo d'illustration. (AFP PHOTO / BORIS HORVAT)
Nouvelobs.com
Gilles Gray a conseillé aux Kurdes d'aller combattre les djihadistes de l'Etat islamique, plutôt que "de mettre la merde à Marseille".
Dérapage. Lors d'une réunion avec une délégation de manifestants kurdes, le directeur de cabinet du préfet de police de Marseille, Gilles Gray, a invité une délégation kurde à "foutre le camp" et à aller combattre les djihadistes de l'Etat islamique, rapporte le site du quotidien "La Marseillaise" qui diffuse des enregistrements de la réunion.
Cette réunion rassemblait jeudi dernier des représentants des forces de l'ordre et trois représentants de manifestants kurdes ayant planté une tente dans le Vieux-Port et organisé des défilés.
Au cours de cette discussion, le directeur de cabinet du préfet interpelle violemment la délégation à qui il reproche "de mettre la merde à Marseille" :
Faites gaffe tous les trois parce que moi je commence à en avoir marre. [...] Vous ferez ce qu'on acceptera, vous avez compris ça ? C'est pas le club clodo ici, c'est pas le bordel."
Et de menacer un des délégués kurdes, auquel il reproche de ne pas avoir déposé de demande d'autorisation de manifester : "Ne nous prenez pas pour des cons, vous parlez au sous-préfet de police, monsieur qui-n'êtes-pas-Français."
A plusieurs reprises, Gilles Gray conseille les Kurdes à quitter la France et à aller se battre contre les djihadistes de l'Etat islamique : "Vos sœurs et vos frères qui sont là-bas, il faut les aider, d'une manière ou d'une autre. […] Ils ont besoin de kalash, d'hommes… " "C'est la France qui peut les aider", tente un représentant kurde. "On fait tournée une pétition pour le président de la République, pour que la France aide militairement."
"Je ne comprends pas, vous êtes Kurdes, c'est un grand peuple, le peuple kurde, vous avez vos frères là bas et vous êtes en train de mettre la merde à Marseille mais vous n'y êtes pas [au Kurdistan, NDLR]", poursuit Gilles Gray, avant d'oser un parallèle surprenant :
Quand les représentants lui expliquent que leur "but c'est attirer l'attention", le directeur de cabinet s'emporte : "Mais attendez, les Marseillais s'en foutent, les Français de manière générale ont tellement de soucis, les gens s'en foutent. Franchement ne croyez pas que les gens s'intéressent à votre cause. C'est pas un jugement de valeur, c'est un constat."
Alarmée, selon "La Marseillaise", par la menace "d'un nouveau Rwanda" et par le sort des habitants de Kobanê, ville assiégée par les combattants de Daesh, la délégation tente de négocier une "exception" pour manifester sans autorisation si un massacre a lieu. Réponse cinglante : "Pourquoi on vous traiterait mieux que les autres ? Vous avez une tête comme ça vous les Kurdes. Vous croyez que vous êtes les rois du monde ? Vous êtes des gâtés. On vous a gâtés un peu trop d'ailleurs."
Une militante tente de calmer le jeu : "Mais on est pas contre vous on est avec vous."
"J'espère que vous êtes avec nous, vous êtes chez nous !"
"On n'est pas là pour foutre le bordel !", s'indigne un Kurde. "Alors foutez le camp !", assène le haut fonctionnaire.
Contactée par "Mediapart", la préfecture de police de Marseille indique qu'il s'agit de "propos personnels qui ne sauraient engager l'Etat" : "C'était un rassemblement de plus de 1000 personnes avec une demande de modification de parcours, donc le directeur de cabinet a reçu les organisateurs, précise-t-on. Il y a eu une réunion de plus d'une heure pour caler tous les aspects administratifs, puis un échange de propos personnels, qui ne sont pas anodins mais n'engagent pas l'Etat. Il y aura forcément des suites qui relèvent du ministère de l'intérieur."
Selon "Mediapart", le ministère de l'intérieur assure de son côté attendre des "éclaircissements" de la préfecture de police.
R.F. - Le Nouvel Observateur